C’est une première : des paraplégiques traités par neurostimulation électrique en Suisse ont recouvré le contrôle de leurs muscles et ont pu marcher à nouveau, gardant une certaine motricité même après l’arrêt de la stimulation.
Cette prouesse de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et de l'Hôpital universitaire de Lausanne (CHUV) fait l'objet de deux articles parus mercredi dans les revues Nature et Nature neuroscience.
Fin septembre, des équipes américaines avaient déjà rapporté des résultats encourageants chez trois patients ayant réussi à faire quelques pas avec des aides à la marche, et une stimulation continue.
Mais "personne n'avait démontré avant" la possibilité de bouger ou marcher après l'arrêt de la stimulation chez l'humain, explique la neurochirurgienne Jocelyne Bloch (CHUV), qui a posé les implants.
Comme dans les expérimentations américaines, la technique testée en Suisse consiste à pratiquer une stimulation épidurale au niveau lombaire, en aval de la lésion. Mais à la différence de ce qui a été fait outre-Atlantique – où la stimulation était délivrée en continu —, les équipes helvétiques ont opté pour des stimulations sélectives dans le temps, synchronisées avec le mouvement prévu. L’objectif étant de se rapprocher le plus possible du processus de marche physiologique et de proposer une stimulation qui préserve au maximum les informations proprioceptives.
"Le timing et la localisation de la stimulation électrique sont essentiels pour la capacité du patient à produire un mouvement volontaire", explique le chercheur Grégoire Courtine (EPFL).
En pratique, les électrodes placées au niveau médullaire sont reliées par un câble au neurostimulateur logé dans l'abdomen sous la peau. Une montre à commande vocale permet au patient d'activer son stimulateur.
Trois patients âgés de 28 ans à 47 ans ayant subi une lésion de la moelle épinière il y a plus de quatre ans et présentant des déficits moteurs permanents ou une paralysie complète malgré une rééducation intensive, ont été implantés.
En une semaine, la stimulation spatio-temporelle avait rétabli le contrôle adaptatif des muscles paralysés lors de la marche au sol. La performance locomotrice s'est améliorée avec la rééducation. Après quelques mois, les participants ont retrouvé le contrôle volontaire de leurs muscles précédemment paralysés sans stimulation et pouvaient marcher ou faire du vélo lors d'une stimulation spatio-temporelle. Deux d’entre eux peuvent même faire quelques pas sans stimulation.
Rétablir des connexions naturelles
C'est un "pas de géant" dans la recherche sur les blessés de la moelle épinière, souligne un spécialiste américain de l'Université de Washington à Seattle, Chet Moritz, dans un éditorial de la revue scientifique Nature. Le fait qu'après plusieurs mois de stimulation, ces trois hommes aient pu reprendre le contrôle de leurs muscles paralysés, sans activer la stimulation, est une "preuve solide que le cerveau et la moelle épinière ont rétabli des connexions naturelles", note-t-il.
La prochaine étape pour les chercheurs sera de tester cette technologie très tôt après le traumatisme, quand le système neuromusculaire n'a pas encore subi l'atrophie consécutive à la paralysie chronique, "idéalement quelques semaines (4-5) après l'accident", indique Jocelyne Bloch.
Vidéo (en anglais) :
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