Après l’hydroxychloroquine et le lopinavir-ritonavir, l’anakinra (Kineret) pourrait lui aussi rejoindre la liste des médicaments inefficaces contre le Covid-19. Ou en tout cas contre les formes modérées de l’infection à SARS-CoV-2. C’est ce que suggèrent les résultats de l’essai randomisé de l’AP-HP baptisé CORIMUNNO-ANA-1 publiés samedi dans le Lancet.
Parce qu’il s'agit d'un antagoniste des récepteurs de l’interleukine 1 (IL-1) impliquée dans la tempête cytokinique caractéristique du Covid-19, ce médicament classiquement utilisé dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde suscite l’intérêt des chercheurs depuis le printemps dernier. Plusieurs études observationnelles, dont une française, ont même fourni des résultats certes préliminaires mais encourageants concernant une potentielle efficacité du produit. Mais, jusqu’à présent, aucune donnée issue d’essais cliniques randomisés n’avait pu confirmer ou au contraire infirmer ces premiers résultats, rappellent les auteurs de l’étude.
Dans ce contexte, l’AP-HP a coordonné en avril dernier le recrutement d’une centaine de patients hospitalisés dans 16 établissements français pour des formes modérées de Covid-19. Au total, 59 participants ont reçu de l’anakinra à raison de 400 mg/j pendant les trois premiers jours, 200 mg/j à J4 et 100 mg/j le lendemain, et 55 patients un traitement usuel du Covid-19.
Pas d’amélioration significative de l’état des patients
Mais l’inclusion des patients a en fait été écourtée par le Comité de surveillance et de suivi des données de l’essai. Il s’est rapidement avéré que l’utilisation de l’anakinra n’était associée à aucune amélioration significative de l’état des patients.
En fait, que ce soit à J4, J14 ou même J90, la proportion de patients à l’état aggravé était similaire dans les deux bras de l’étude. « À J4, 21 (36 %) des 59 patients du groupe anakinra s’étaient aggravés (score OMS supérieur à 5), contre 21 (38 %) des 55 patients du groupe avec un traitement usuel », détaille l’AP-HP par communiqué. De même, 14 jours après inclusion, environ 50 % des patients des deux groupes avaient besoin de ventilation non invasive ou mécanique ou avaient trouvé la mort, et à 3 mois, 25 % des participants de chaque bras étaient décédés.
L’anakinra associé à des effets indésirables graves ?
Cependant, malgré les résultats de cette étude, l’anakinra pose encore question.
D’abord, il n’est pas dit que ce médicament – ici testé uniquement contre les formes modérées de Covid – soit inefficace chez tous les malades. « Des études ultérieures sont nécessaires pour étudier l’efficacité de l’anakinra dans des groupes de patients avec une infection Covid-19 plus sévère », plaide ainsi l’AP-HP.
Au-delà de son efficacité, le profil d’innocuité de l’anakinra peut aussi interroger. Fin octobre, l’ANSM avait suspendu les essais cliniques en cours portant sur ce produit en raison d’une surmortalité inexpliquée relevée parmi les participants du bras interventionnel d’une étude conduite au CHU de Tours. Deux mois plus tard, après analyse plus approfondie des données disponibles, l’agence avait néanmoins levé cette suspension, indiquant que ce surrisque n’était « pas confirmé », rapporte l’AFP. « Des évènements indésirables graves sont apparus chez 27 (46 %) patients dans le groupe anakinra et 21 patients (38 %) dans le groupe traitement usuel », indique pour sa part l’AP-HP suite à la parution de son étude.
Quoi qu’il en soit, les résultats de cette investigation contribuent plus généralement à remettre en cause la place des biothérapies immunomodulatrices ciblant spécifiquement une cytokine parmi les candidats traitements du Covid-19. Et ce d’autant plus que la semaine dernière, une étude brésilienne parue dans le BMJ suggérait que le tocilizumab – antagoniste du récepteur de l’IL-6 – pourrait également s’avérer inefficace contre les formes cette fois graves de Covid-19. Mais l’IL-1 et l’IL-6 ne sont sans doute pas les cytokines les plus impliquées dans la pathogénèse du covid-19, indiquait cet automne Xavier Lescure, professeur d’infectiologie à l’AP-HP. D’après lui, les résultats d’essais concernant des anti-TNF-α seraient les plus attendus.
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