Les patients pris en charge en soins intensifs seraient, après leur sortie de l’hôpital, significativement plus à risque de présenter des comportements suicidaires ou d’automutilation que les sujets hospitalisés en service de médecine. C’est ce que suggère une vaste étude observationnelle canadienne parue ce mois dans le British Medical Journal (BMJ).
Alors que la pandémie a placé la réanimation sur le devant de la scène médiatique, la question des séquelles tant physiques que psychiatriques des soins intensifs se pose. Or, on sait depuis quelques années que « la survie aux soins intensifs [est] associée à une incidence accrue de la dépression, de l’anxiété, de syndrome de stress post-traumatique, de troubles liés à l’utilisation de substances ou de psychose », rappellent les auteurs de l'étude du BMJ. Toutefois, l’incidence du suicide et de l’automutilation reste inconnue chez les patients sortant de réanimation, et aucun facteur de risque éventuellement associé à ces complications à long terme des soins de réanimation ne semble encore avoir été mis en évidence. Aussi les chercheurs canadiens ont-ils proposé d’éclaircir ces zones d’ombre.
Pour ce faire, ils ont recueilli et analysé les données médicales de tous les adultes vivant en Ontario hospitalisés en soins intensifs entre 2009 et 2017 et n’étant pas décédés en réanimation, soit plus de 400 000 personnes – majoritairement des hommes (60 % environ) d’un âge moyen de 62 ans. Des informations concernant les adultes de la province hospitalisés seulement en service de médecine pendant la même période – soit plus de 3 millions de personnes – ont également été utilisées comme base de comparaison.
Un surrisque durable
Résultat : le suicide et les comportements d’automutilation apparaissent deux fois plus fréquents chez les personnes ayant survécu à une admission en réanimation que chez les adultes hospitalisés seulement en service de médecine. De fait, parmi les personnes admises en réanimation incluses dans l’étude, les chercheurs ont calculé un taux de morts par suicide de 41,4 pour 100 000 personnes-années – contre moins de 17 pour 100 000 personnes-années chez les adultes hospitalisés en service de médecine. De même, plus de 5 600 survivants à la réanimation se seraient auto-mutilés pendant la période de suivi, ce qui correspondrait à un taux d’incidence des cas d'automutilation de près de 328 pour 100 000 personnes-années – contre 177 pour 100 000 personnes-années dans le groupe des adultes non admis en soins intensifs.
Ce surrisque se constituerait dès la sortie de l’hôpital, et persisterait pendant plusieurs années, au moins jusqu’à 3 285 jours après la sortie de la réanimation.
Les antécédents psychiatriques et les soins les plus lourds déterminants
Les chercheurs sont parvenus à identifier deux types de facteurs de risque de suicide ou d’automutilation chez les patients ayant été pris en charge en réanimation.
À ce titre, le passé psychiatrique des patients apparaît déterminant. Aussi, les antécédents de dépression et d’anxiété se sont révélés très liés à un surrisque de suicide et d’automutilation, de même que – dans une moindre mesure – le syndrome de stress post-traumatique, la schizophrénie et les troubles bipolaires.
Par ailleurs, certains soins particulièrement lourds se sont également avérés associés à un surrisque de suicide ou d’automutilation. C’est en particulier le cas de la ventilation mécanique invasive et des thérapies de remplacement rénal – d'ailleurs très utilisés pendant la pandémie de Covid-19.
À noter que si des antécédents d’hospitalisation constituent également un facteur de risque, l’âge s'avérerait plutôt protecteur. Si bien que les patients admis en réanimation les plus à risque de suicide ou d’automutilation sont les jeunes de 18 à 34 ans préalablement touchés par une pathologie psychiatrique et ayant été intubés (ou ayant reçu une thérapie de remplacement rénal).
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