Les déficiences dites mineures associées à la prématurité impactent à long terme la vie des enfants mais restent mal prises en charge. Tel est le constat dressé par les auteurs de l’étude Epipage-2, dont les résultats viennent de paraître dans le British Medical Journal (BMJ).
« En France, la prématurité est la première cause de mortalité néo natale et est responsable de la moitié des handicaps d’origine périnatale », rappelle dans un communiqué de presse l’Inserm. Mais si les déficiences sévères, tantôt motrices (paralysie cérébrale), sensorielles (troubles de la vision ou de l’audition) ou cognitives associées à la prématurité ont fait l’objet de nombreuses études, les difficultés qualifiées de mineures ont encore été peu étudiées. « Or, elles ont un impact important sur les familles et les soignants », avance Véronique Pierrat, néonatologiste et co-auteur de l’étude. Dans ce contexte, les chercheurs de l’équipe Inserm-Université de Paris EPOPé ont proposé d’évaluer non seulement la prévalence des troubles graves, mais aussi celle de ces déficiences moins sévères chez les prématurés, et d’estimer leur impact sur la vie quotidienne des enfants et de leurs familles.
Pour ce faire, les chercheurs ont proposé une consultation spécialisée incluant divers bilans à plus de 3 000 enfants âgés de 5,5 ans – âge auquel le diagnostic de difficultés d’apprentissage et l’étude des compétences cognitives se font plus facilement que chez les très jeunes enfants. Tous étaient suivis depuis leur naissance en 2011, qu’ils soient nés entre 24 et 26 semaines d’aménorrhée (SA) (extrêmes prématurés), entre 27 et 31 SA (grands prématurés) ou entre 32 et 34 SA (modérément prématurés). 592 enfants nés à terme ont également été inclus au sein d’un groupe de référence.
1/3 des enfants concernés par des troubles mineurs
Résultats : conformément à ce qui était attendu, la prévalence des déficiences motrices, sensorielles ou cognitives sévères s’est avérée relativement faible et dépendante du degré de prématurité des enfants. Ainsi seuls 3 % des prématurés modérés et 12 % des extrêmes prématurés ont, par exemple, présenté des déficiences sévères. Des chiffres environ deux fois moindres que ceux rapportés par l’étude Epipage-1, conduite auprès d’enfants nés en 1997, et qui résultent, d’après le Pr Pierre-Yves Ancel, coordinateur de l’étude, des avancées importantes réalisées ces deux dernières décennies dans la prise en charge des nouveau-nés, notamment en réanimation.
Si les déficiences graves apparaissaient donc relativement rares, ce n’était cependant pas le cas des difficultés jugées mineures (paralysie cérébrale légère, déficience visuelle ≥ 3,2/10 ou perte auditive < 40 dB, QI légèrement abaissé, etc.). Quel que soit leur degré de prématurité, plus d’un tiers des enfants nés prématurés inclus dans l’étude se sont avérés présenter ce type de déficiences. Une prévalence importante qui pour le Pr Ancel, pourrait s'expliquer par un retard de la médecine dans la prise en charge de ces troubles. « Quand on s’intéresse à ce qui se passe au plan international, on n’a pas l’impression que sur le plan cognitif ou des troubles plus fins, il y ait eu des progrès majeurs dans les 20 dernières années », juge-t-il.
Un impact sur la scolarité
Pourtant, ces déficits dits mineurs semblent impacter très concrètement la vie quotidienne des enfants, et d’abord leur scolarité. Si, on l’a dit, seuls 12 % des enfants nés à 24-26 SA présentaient des déficiences majeures, 30 % d’entre eux n’étaient pas scolarisés dans une classe ordinaire ou devaient s’appuyer sur un soutien. « Or, si on se fie aux données internationales, on sait qu’en général, les difficultés augmentent avec l’âge », s’alarme le Dr Pierrat.
En outre, la prise en charge médicale et paramédicale des enfants pramaturés apparaît relativement lourde et susceptible de peser sur la vie des familles. « Plus de la moitié des enfants nés à 24-26 SA avaient au moins une prise en charge (psychologue, orthoptiste, orthophoniste, psychomotricien, kinésithérapeute, etc. […]), comme 1/3 des enfants nés à 27-31 SA et ¼ des enfants nés à 32-34 SA », rapporte la néonatalogiste. À noter que si le recours à des professionnels de santé n’était pas nul chez les enfants de 5 ans et demi nés à terme, il apparaissait plus limité et surtout centré sur l’orthophonie.
Ainsi, un tiers à la moitié des parents a rapporté au moins une inquiétude quant au développement de leur enfant - acquisition du langage, coordination motrice, apprentissage et surtout comportement (troubles de l’attention, hyperactivité, difficultés à réguler les émotions, difficultés dans la relation avec les pairs).
Un accès aux aides encore difficile
Au total, des progrès restent encore à faire dans la prise en charge des enfants prématurés. Des progrès qui pourraient passer par une facilitation de l’accès à des dispositifs déjà existants. Car dans Epipage-2, 15 à 30 % des enfants présentant des difficultés sévères ne recevaient pas le soutien scolaire dont ils avaient besoin, et 24 à 40 % ne bénéficiaient pas des remboursements de soins auxquels ils avaient droit. « Il est de plus en plus difficile de trouver des professionnels capables d’accompagner ces enfants dans le suivi », témoigne par ailleurs le Dr Pierrat .
Si les résultats de l’étude peuvent apparaître pessimistes et pas tout à fait représentatifs de la réalité actuelle dans la mesure où depuis 2011, des progrès ont pu être réalisés, pour Charlotte Bouvard, fondatrice de l’association SOS Préma, les chiffres restent « mauvais ». « La société ne suit pas », déplorait-elle lors de la conférence de presse.
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