Le sous-type CRF02_AG de virus de l'immunodéficience humaine (VIH) est de plus en plus prévalent dans la population séropositive française. Selon des données présentées en poster par le Dr Benoit Visseaux (Hôpital Bichat, APHP)la semaine dernière à la 26e conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), sa proportion est passée de 14 % avant les années 2010 à 22 % en 2016. Bien que CRF02_AG soit connu depuis les débuts de l'épidémie, les données récentes semblent indiquer qu'il pourrait être plus virulent et transmissible que les autres sous-types de virus.
« Depuis 1999, il existe une surveillance annuelle conduite par l'ANRS des virus isolés chez les patients lors de leur primo-infection, explique au « Quotidien » le Dr Marie Laure Chaix (hôpital Saint-Louis, AP-HP). Nous surveillons les résistances transmises, la diversité des virus, l'apparition de nouveaux recombinants et les clusters de transmission, c’est-à-dire les groupes patients infectés par des virus très proches. »
Seulement 5% des cas dans les années 90
Les chercheurs ont comparé les données de 1 121 patients infectés entre 2014 et 2016, dont 90 % d'hommes parmi lesquels on trouve 70 % d'hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. Le CRF02_AG est une recombinaison des sous-type A et G. Très ancien en Afrique Sub Saharienne, il a été progressivement retrouvé en France par des patients originaires d'Afrique subsaharienne. Au début des années 1990, seuls 5 % des primo infectés étaient concernés par ce sous-type. Les patients infectés par les virus de sous-type B représentaient alors l'écrasante majorité des malades.
Alors que rien ne les distinguait il y a encore quelques années, l'étude de l'ANRS retrouve une charge virale moyenne significativement plus élevée chez les patients infectés oar le CRF02_AG, comparés à ce qui est observé en cas d'infection par des virus du sous-type B. Le sous-type CRF02_AG est également plus représenté dans les clusters comprenant un grand nombre de patients. Ces résultats pourraient laisser suggérer une capacité de ce sous-type à diffuser plus rapidement.
Il n'y a toutefois pas lieu de s'inquiéter : « ce sous-type répond aussi bien aux traitements que les autres », selon le Dr Chaix.
Il n'en demeure pas moins que cette possible et récente virulence accrue intrigue les médecins. « Les travaux du Pr Francis Barin (université de Tours, NDLR) ont déjà montré que les CRF02_AG a acquis au cours du temps une résistance aux anticorps neutralisant à large spectre, ajoute le Dr Chaix. Nous allons monter une base de surveillance nationale et étudier l'hypothèse d'un possible changement récent dans le génome de ce sous-type en le séquençant en entier, et en cherchant d'éventuelles différences au niveau des protéines structurales et non structurales. »
Près de la moitié des primo-infectés français dans un « cluster » indentifié
Les auteurs ont également dressé une cartographie des « clusters », c’est-à-dire des groupes de patients infectés par des souches phylogénétiquement proches. Les clusters sont des ensemble de patients infectés par des virus très proches, souvent dans un même lieu ou région ou selon un même mode de transmission. « Nous observons que 41 % des patients en primo-infections font partie d'un cluster », explique Le Dr Chaix. Les patients qui n'appartiennent pas à un cluster identifié ont pour la plupart été diagnostiqués après la primo-infection, lorsque la maladie se chronicise. « Sur les 6 000 infections annuelles françaises, seulement 600 à 1 000 sont diagnostiquées dans l'année », rappelle le Dr Chaix.
Benoît Visseau, Marile-Laure Chaix et leurs collègues virologues de l'ANRS en association avec Santé Publique France travaillent aujourd'hui à « la mise en place d'un réseau de surveillance national visant à identifir les lieux et les modes de transmission des plus à risque, en vue d'une prévention d'avantage ciblée permettant d'enrayer la progression de l'épidémie ».
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