Au cours de son évolution, un virus peut-il devenir plus virulent ? Alors que dans le cas du SARS-COV-2, l’émergence d’Omicron semble au contraire signer l’arrivée de variants plus bénins, une étude de Science tend à répondre par l'affirmative. Les auteurs de ce travail publié le 4 février ont identifié aux Pays Bas un nouveau variant du VIH plus virulent que les précédents.
Peu d’exemples clairs d’une augmentation de la virulence des virus
L’hypothèse scientifique selon laquelle un virus peut évoluer pour devenir plus virulent est une hypothèse scientifique très étudiée en théorie. Cependant, peu d’exemples de ce phénomène ont jusqu’alors été observés - l'apparition du variant Delta du coronavirus en étant un.
Dans le cas du VIH, dont on sait qu’il est en constante évolution, il apparaît difficile de distinguer les effets des mutations sur la virulence du pathogène. Et ce, du fait notamment de « fortes associations entre les facteurs viraux, hôtes et épidémiologiques », expliquent les auteurs de l'étude. Si bien que pendant longtemps, les différences de sévérité de la maladie d'une personne à l'autre ont été interprétées comme uniquement liées à la réponse immunitaire de ces sujets face à l'infection.
Dans ce contexte, les chercheurs ont surveillé pendant plusieurs années – depuis 2014 – l’évolution du VIH pour analyser dans quelle mesure les mutations pouvaient avoir un impact sur sa virulence et sur la maladie développée. Pour ce faire, ils ont mis au point le projet Beehive, qui rassemble les données de patients issus de huit pays d'Europe : Pays Bas, Suède, Finlande, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Suisse et France.
Un variant du VIH plus virulent porté par une centaine de patients en Europe
Résultat : les chercheurs ont finalement identifié un variant du VIH très virulent comportant un nombre singulièrement élevé de mutations – plus de 500.
La première personne identifiée dans le cadre de l'étude avec ce variant a été diagnostiquée en 1992 (quoiqu'avec une version inaboutie), et la dernière en 2014. D'autres chercheurs ont par la suite identifié quelques personnes diagnostiquées plus tard. Au total, 109 individus porteurs de ce variant ont été détectés. Il s’agit pour la plupart d'hommes ayant des rapports avec d’autres hommes et vivant aux Pays Bas – excepté pour 4 d’entre eux, qui résident en Belgique et en Suisse.
Ce variant a pu être détecté car les personnes infectées présentaient un taux de LT CD4 plus bas que les autres au moment du diagnostic, avec un déclin estimé comme deux fois plus rapide. Les chercheurs ont calculé que, sans traitement, le seuil dangereux de 350 lymphocytes T-CD4 par microlitre de sang serait atteint en 9 mois avec ce variant, contre 3 ans pour les autres patients. La charge virale des personnes infectées par ce variant était également significativement plus élevée.
En plus de sa virulence, les chercheurs ont par ailleurs montré que ce variant était hautement transmissible. Car les différentes versions du virus portées par les patients infectés étaient très similaires, suggérant que le pathogène n'avait pas eu le temps d'accumuler beaucoup de mutations avant de passer rapidement d'une personne à l'autre.
Les chercheurs n'ont pas pu expliquer exactement quelles mutations du variant VB provoquaient sa haute virulence, ni par quel mécanisme.
Un variant toujours sensible aux traitements
Quoi qu'il en soit, les découvreurs de ce variant, surnommé "variant VB" (pour "variant virulent du sous-type B", sous-type le plus répandu en Europe), rassurent. D’abord car ce mutant serait plutôt en déclin. En effet, l’hypothèse est qu'il se serait développé à la fin des années 1980 et aurait commencé à circuler aux Pays Bas dans les années 1990. Il se serait ensuite transmis plus rapidement dans les années 2000. Mais il aurait progressivement reculé depuis 2010, probablement grâce aux efforts des Pays Bas pour lutter contre la maladie.
Par ailleurs, ce variant répond aux traitements existants. Aussi, une fois soignés, les patients touchés ne présentent pas davantage de risque de complications que les autres. « Il n'y a pas de raison de s'alarmer », assure Chris Wymant, chercheur en épidémiologie à l'Université d'Oxford et auteur principal de cette étude.
Toutefois, « nos résultats soulignent l'importance (...) d'un accès régulier à des tests pour les personnes à risque de contracter le VIH, afin de permettre un diagnostic tôt, suivi d'un traitement initié immédiatement après », souligne dans un communiqué l'épidémiologiste Christophe Fraser, co-auteur de l'étude. « Il s'agit d'un avertissement, nous ne devrions jamais être trop présomptueux et présupposer qu'un virus va évoluer pour devenir plus bénin », juge pour sa part Chris Wymant. Une conclusion à la résonance particulière dans le cadre de débats actuels autour du Covid-19.
(Avec AFP)
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie
L’orchestre symphonique des médecins de France donne un concert « émouvant » en hommage aux victimes du cancer du sein