Les 194 États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne sont pas encore parvenus à s’entendre sur les termes d’un traité international contraignant sur la prévention, la préparation et la riposte aux futures pandémies. La 77e Assemblée mondiale de la santé (AMS, organe de gouvernance de l’OMS), qui s’est tenue du 27 mai au 1er juin, devait entériner la fin des négociations. À son issue, « un délai d'un an, ou moins » a été fixé pour aboutir à un accord « d’ici à l'AMS en 2025, ou plus tôt si possible lors d'une session extraordinaire » en 2024.
Engagées en décembre 2021 pour répondre aux dysfonctionnements et aux inégalités de la réponse mondiale à la pandémie de Covid, les discussions se sont heurtées à un désaccord sur un nouveau système mondial pour l'accès aux agents pathogènes et sur le partage des avantages tirés de leur étude et leur exploitation (vaccins, traitements, tests…), le « Pathogen Access et Benefit-sharing » (PABS).
Blocage sur le partage des bénéfices
« Nombre de pays en développement veulent s’assurer qu’un partage de virus avec la communauté internationale leur ouvre un accès aux bénéfices, c’est-à-dire aux vaccins, tests et traitements », expliquait récemment au Quotidien la Dr Sylvie Briand, directrice de la gestion des épidémies à l’OMS. « Pour les pays du Sud, frustrés à juste titre de l’expérience de la pandémie de Covid et de l’accès inégal aux vaccins, cette question de la compensation est critique », ajoutait, toujours dans le Quotidien, le Pr Michel Kazatchkine, membre du Panel indépendant d’experts chargé d’évaluer la réponse mondiale à la pandémie de Covid.
Les discussions butent, encore, sur les détails concrets d’un système de partage des pathogènes : qui serait amené à gérer une base de données mondiale des séquences génétiques ? Qui pourra accéder à l’information et sous quelles conditions ?
Les droits de propriété intellectuelle ou le transfert de technologies vers les pays en développement comptent aussi parmi les points de blocage, tout comme le financement du renforcement des capacités de riposte des pays, qui va payer et combien restant à déterminer. La question de la redevabilité n’est pas résolue. « Chacun fait des efforts dispersés. Mais à qui les États devraient-ils rendre compte de ce qu’ils font ou ne font pas ? Et comment les accords conclus seront-ils respectés et suivis ? » Ces questions, pointées par le Pr Kazatchkine, persistent.
Malgré l’absence de consensus sur un traité, plusieurs amendements au Règlement sanitaire international (RSI) ont été adoptés. Ce cadre juridique contraignant de réponse aux urgences de santé publique avait montré ses limites pendant le Covid. Plusieurs fois restructuré depuis sa création en 1969, sa dernière révision remonte à l’épidémie de grippe aviaire H5N1 de 2005.
L’« urgence pandémique » intègre le RSI
Le RSI intègre désormais la notion d’« urgence pandémique » dans sa classification des alertes pour « déclencher une collaboration internationale plus efficace face à des événements qui risquent de devenir, ou sont devenus, une pandémie », indique un communiqué de l’OMS. « Il s'agit de donner un signal, un avertissement et de le déclarer avant que cela ne devienne une véritable pandémie », a expliqué Ashley Bloomfield, co-président des négociations sur le RSI.
Le nouveau Règlement introduit plus « de solidarité et d’équité » pour l’accès aux produits médicaux, avec l’élaboration d’un mécanisme financier de coordination pour « répondre équitablement aux besoins et aux priorités des pays en développement, y compris pour développer, renforcer et maintenir les capacités de base », précise l’OMS. Des amendements créent des structures internationales et nationales pour améliorer l’application du RSI dans tous les pays. Les États membres ont désormais la charge d'insérer les parties qui leur conviennent dans leur réglementation.
Des « décisions historiques », selon le patron de l’OMS
Ces amendements et la perspective d’un accord sur les pandémies d’ici un an constituent des « décisions historiques », a salué Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. « Ce soir nous avons tous gagné et le monde a gagné », a-t-il déclaré en clôture de l’AMS sous les applaudissements de la salle plénière du siège de l'ONU à Genève. Selon lui, le succès sur le RSI donnera un « puissant élan » aux négociations sur le futur accord, qui, « une fois finalisé, pourra contribuer à empêcher une répétition des ravages causés » par le Covid.
Les pays africains souhaitent voir aboutir la négociation d'ici à la fin de l'année. La crainte d'une réélection en novembre de Donald Trump, qui avait retiré les États-Unis de l'OMS et ne cachait pas son mépris pour l'organisation, plane sur les discussions. Les pays en développement restent marqués par leur exclusion du marché des vaccins contre le Covid verrouillé par les grands acteurs. Ils insistent pour dire que l'accord sera équitable ou ne sera pas. « Nous avons vu de la souplesse dans la façon de trouver un texte qui nous permette d'améliorer l'équité et l'accès » aux nouveaux produits, a rassuré Precious Matsoso, ancienne directrice générale du ministère sud-africain de la santé, également copilote les négociations.
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