« Zéro alcool pendant la grossesse » : le message est bien reçu et les connaissances des Français progressent sur le sujet depuis le début des années 2000, mais les risques sont encore sous-estimés, met en lumière un article publié dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire », ce 5 septembre.
Les chercheurs ont analysé l'évolution des perceptions et des connaissances des Français sur l'alcool pendant la grossesse, à partir des résultats d'une enquête téléphonique de l'institut BVA répétée cinq fois depuis 2004 (en 2007, 2015, 2017, et 2020), auprès d’un échantillon construit selon la méthode des quotas de 1 000 personnes par vague, âgées de 15 ans et plus.
Plus de 90 % connaissent le principe de l'abstinence totale
En 2020, 91 % des personnes âgées de 15 ans et plus estimaient qu’« il ne faut pas boire du tout d’alcool pendant la grossesse », une proportion qui a augmenté de 10 points depuis 2004.
Les idées reçues sur l'alcool régressent : la proportion de personnes déclarant qu’il est faux de dire « qu’il est conseillé de boire un petit verre de vin de temps en temps pendant la grossesse » a augmenté de 16 points entre 2004 et 2020, atteignant 81 %. Et 77 % savent qu'il n'est pas « conseillé de boire un peu de bière pendant la période de l’allaitement » contre 68 % en 2004. Les Français sont loin d'être réfractaires aux messages sanitaires, puisque deux tiers des personnes interrogées (63 %) en 2020 savent que toutes les bouteilles d'alcool en portent, et 82 % sont favorables à une meilleure visibilité du pictogramme.
Le risque des faibles doses méconnu
Mais la perception des niveaux de consommation à partir desquels il existe un risque pour l'enfant reste médiocre. Pour rappel, les études scientifiques ne permettant pas de définir un seuil au-dessus duquel il existe un risque pour l'enfant, c'est le principe de précaution qui prévaut (abstinence pendant la grossesse, et même dès le projet d'enfant, et abstention lors de l'allaitement). Selon l'analyse des bases médico-administratives entre 2009 et 2013, 0,48 nourrisson pour 1 000 naissances aurait été diagnostiqué avec un trouble causé par l’alcoolisation fœtale.
Or encore plus de la moitié des Français ne déclarent pas de risque dès le premier verre en 2020 (contre un quart en 2004) et une personne sur 10 ne perçoit pas une ivresse comme un risque (contre deux personnes sur 10 en 2004). En outre, environ un cinquième de la population pense toujours à tort que la bière favorise l'allaitement.
Des inégalités selon les catégories sociales et le sexe
Les connaissances varient selon les groupes de population. Les personnes ayant un niveau d’études égal ou supérieur au baccalauréat ont des réponses plus conformes aux recommandations concernant le zéro alcool (92 % versus 87 %, pour le niveau d’études inférieur au bac), l’idée reçue sur la bière (79 % versus 70 %) et celle sur le vin (83 % versus 72 %). Les moins diplômées indiquent plus fréquemment qu’il n’y aurait aucun risque à fêter les grandes occasions un verre à la main (31 %). Et les consommateurs d’alcool les plus réguliers (avec une fréquence de consommation de quatre fois par semaine à tous les jours) sont moins nombreux à donner les réponses conformes sur le vin et la bière.
Même si les écarts diminuent entre les hommes et les femmes, « il paraît toujours important de renforcer les connaissances chez les hommes », lit-on, car le soutien du partenaire lors de la grossesse joue sur la consommation des femmes.
Le rôle des professionnels de santé à renforcer
Depuis 20 ans, les professionnels de santé sont considérés par seulement 25 % des personnes (38 % des femmes, 11 % des hommes) comme les principales sources d'information, derrière les proches (cités à 47 %), notamment les mères, qui devraient être considérées « comme des relais privilégiés de la prévention », et les médias (40 %).
« L'implication des professionnels de santé est d’autant plus importante que les comportements des femmes peuvent évoluer au cours des neuf mois de la grossesse, ce qui nécessite de faire un point régulier sur leurs consommations », lit-on. Mais les auteurs soulignent que « la perception des professionnels apparaît assez divisée concernant les faibles consommations d’alcool pendant la grossesse ».
En 2015, d’après une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) auprès d’un panel de généralistes, 77 % des médecins interrogés déclaraient conseiller aux femmes enceintes buvant occasionnellement de l'alcool d’arrêter, alors que 22 % leur recommandaient plutôt de ne pas boire plus d’un verre par occasion. Encore en 2017, moins d'un tiers des femmes disaient avoir reçu la recommandation de ne pas consommer d'alcool en 2016.
« Un élargissement des cibles des communications pour inclure davantage l’entourage des femmes en âge de procréer semble pertinent pour construire des environnements favorables à la non-consommation d’alcool des femmes enceintes et à faire évoluer les normes sociales », concluent les auteurs. Sur le plan médical, l'entretien prénatal précoce, obligatoire au 4e mois de grossesse depuis 2020, devrait être l'occasion d'ouvrir la discussion.
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