En 2020, le secteur ambulatoire a enregistré un recul sans précédent de l’antibiothérapie. Telle est la conclusion de « la première étude française mesurant l’impact du Covid-19 sur [le recours aux] antibiotiques [en] ville ». Un travail publié par Santé Publique France dans son dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) à l’occasion de la Semaine mondiale annuelle pour un bon usage des antimicrobiens (du 16 au 24 novembre).
Alors que jusqu’à présent, seul le GIS-EPI-PHARE avait analysé des données relativement parcellaires sur les consommations d’antibiotiques pendant la crise sanitaire, les auteurs du présent travail proposent de se pencher sur des chiffres plus complets. Ils reviennent sur l’évolution non seulement sur la période 2010-2019, mais aussi au cours de l’année 2020, de deux indicateurs : la consommation d’antibiotiques et le nombre de prescriptions d’antibiotiques. Et ce, à partir de statistiques issues du Système national des données de santé.
Un recul qui concerne tous les âges et toutes les classes d'antibiotiques
Au total, cette étude confirme d’abord la dynamique de recul de l’antibiothérapie qui semblait s’être installée en ambulatoire depuis le début des années 2010 jusqu’à l’année dernière. De fait, sans surprise, les chercheurs ont retrouvé une baisse significative des prescriptions initiée en 2013, puis une légère diminution des consommations enregistrée à partir de 2017.
Mais surtout, ce travail montre qu’en 2020, cette pente douce s’est changée en chute spectaculaire. L’année dernière, a en effet été observée en ville une baisse historique de 17 % de la consommation d’antibiotiques et de 18 % des prescriptions par rapport aux projections, qui « prenaient [déjà] en compte la tendance à la baisse observée auparavant », souligne Santé Publique France.
Toutes les classes d’âge sont concernées, y compris les plus consommatrices d’antibiotiques : les jeunes enfants (0-4 ans) et les plus âgés (plus de 65 ans). De même, toutes les classes d’antibiotiques sont touchées, y compris la plus prescrite. C’est même parmi ces pénicillines à large spectre – qui représentaient encore, en 2020, plus d’un tiers des antibiotiques consommés, et dont l’utilisation n’avait cessé d’augmenter ces dernières années – qu’a été enregistrée la baisse la plus importante.
Une baisse principalement imputable aux généralistes
Côté professionnels, les grands champions de cette réduction des prescriptions sont les médecins généralistes. En effet, si, en 2020, les spécialistes libéraux et les chirurgiens-dentistes ont diminué leurs prescriptions de 15 % environ, les généralistes ont prescrit près de 25 % d’antibiotiques de moins que l’année précédente – soit une baisse plus importante que celle enregistrée sur la période 2010-2019. En fait, au regard de ce chiffre important et de la prédominance des généralistes sur les autres prescripteurs libéraux (plus de 70 % des prescriptions sont initiées par des médecins généralistes), c’est aux médecins de famille qu’est principalement imputable le fort recul des antibiotiques observé en 2020.
Quoi qu’il en soit, sans surprise, Santé Publique France explique cette « rupture dans la tendance » par la crise sanitaire. « Les mesures renforcées d’hygiène, les mesures de distanciation sociale ainsi que les périodes de confinement ont contribué à ce que la transmission des infections bactériennes et virales soit ralentie », explique l’agence.
Progrès durable du bon usage des antibiotiques ?
Mais ce n’est pas le seul mécanisme par lequel la crise sanitaire a pu conduire à une réduction du recours aux antibiotiques. « La pandémie a eu pour conséquence de restreindre le nombre de consultations médicales et donc le nombre de prescriptions », affirme aussi l’instance de santé publique, qui prévient tout excès d’enthousiasme. Car si ce moindre recours aux soins « a certainement permis d’éviter des prescriptions inutiles, il a pu également se traduire par des non-prescriptions, alors qu’une antibiothérapie eût été justifiée. ».
Aussi, aux yeux de l’agence, il semble « difficile d’affirmer [que le Covid-19] a [véritablement] contribué au « bon usage » des antibiotiques ». Et même dans le cas où la crise sanitaire aurait bien participé à une modification positive des pratiques, la durabilité de ces progrès éventuels pose question.
Reste aussi à mesurer l’effet de ce phénomène sans précédent sur l’antibiorésistance, qui avait commencé à diminuer ces dernières années.
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