L’évolution des aliments, et en particulier de leurs modes de consommation ou de production, engendre de nouveaux risques, notamment infectieux. C’est ce qu’a tenu à rappeler l’Agence nationale de sécurité sanitaire et alimentaire (Anses) la veille de l’ouverture du Salon de l’Agriculture.
Les zoonoses d'origine alimentaire encore d'actualité
Lors d'une conférence de presse organisée ce 25 février, l’instance est revenue sur les nouveaux défis en particulier microbiologiques qui apparaissent en matière de sécurité sanitaire des aliments. Longtemps placé au second rang des dangers d’origine alimentaire – derrière les risques chimiques –, le risque microbiologique est récemment revenu sur le devant de la scène, analyse Gilles Salvat, Directeur général délégué au pôle Recherche et Référence de l’Anses.
Ce d’autant que des toxi-infections alimentaires continuent d’être enregistrées en Europe. Selon le dernier rapport sur les zoonoses alimentaires de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, environ 120 000 campylobactérioses et plus de 50 000 salmonelloses seraient déclarées chaque année. Des chiffres sans doute grandement sous-estimés. « En France, les travaux de Santé publique France ont montré qu’il y avait probablement plus de 500 000 campylobactérioses par an et plus de 200 000 salmonelloses par an », détaille Gilles Salvat. Dans l’Hexagone, des toxi-infections à Bacillus cereus et à Staphylococcus aureus continuent par ailleurs de représenter une part importante des intoxications alimentaires, tandis que les toxi-infections virales à norovirus par exemple apparaîtraient également sous-évaluées.
La manipulation et la consommation de produits crus vectrices d'infection
Les nouveaux modes de consommation des aliments pourraient aggraver le problème. En particulier, la multiplication de plats jugés conviviaux impliquant la cuisson à la dernière minute dans un bouillon par les convives d’aliments présentés crus pourrait provoquer une hausse de l’incidence de zoonoses déjà relativement fréquentes. Ainsi, pour Marianne Chemaly, chef de l’unité Hygiène et qualité des produits avicoles et porcins à l’Anses, l’importation de la fondue chinoise pourrait par exemple être à l’origine d’infections à Campylobacter. « Le problème [avec ce genre de préparations], c’est les contaminations croisées » entre viande crue et viande cuite par contact direct ou via des ustensiles, souligne Gilles Salvat.
En fait, plus généralement, l’engouement pour les produits crus doperait les risques microbiologiques liés à l’alimentation. Ainsi l’expansion de la consommation de sushis et de makis – amorcée il y a plusieurs années – serait-elle associée à une augmentation des cas d’infection à certains parasites (tels qu’Anisakis) ou à Listeria, « qui fait partie du top 5 des bactéries qui peuvent être transmises par la chaîne alimentaire, et notamment par le poisson fumé », insiste Marianne Chemaly.
Un risque qui ne concerne pas seulement les produits d’origine animale, mais également les fruits et légumes crus, notamment ceux vendus déjà coupés. Ainsi Gilles Salvat évoque une épidémie de listériose due à des melons contaminés lors de la découpe et du pelage en usine.
L'élevage en plein air à risque
Autre pourvoyeur potentiel de toxi-infection alimentaires : les nouvelles modalités d’élevage. En effet, tandis que les attentes sociétales en matière d’amélioration du bien-être animal poussent les consommateurs à s’intéresser à divers labels (rouge, bio, etc.) – sans toutefois acheter moins de viande pour le moment, relève Gilles Salvat –, les modes alternatifs d’élevage pourraient augmenter l'incidence de divers pathogènes. Par exemple, comme l’explique le vétérinaire, si les volailles élevées en plein air apparaissent moins porteuses de salmonelles, elles pourraient au contraire être plus exposées à Campylobacter du fait de contacts avec les oiseaux sauvages.
Aux yeux de Nicolas Eterradossi, Directeur du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort de l’Anses, via l’élevage en plein air, des pathogènes typiquement sauvages pourraient également contaminer les élevages. Ainsi des virus Influenza aviaires pourraient infecter les volailles, la trichine (parasite d’animaux sauvages) passer du sanglier au porc, la tuberculose bovine se redévelopper à partir de blaireaux ou cervidés, etc.
Des pathogènes qui évoluent par eux-mêmes
Autant de risques susceptibles d'être encore augmentés par le partage des parcelles et de parcours entre les troupeaux. À l’extrême, des volailles élevées en plein air infectées par un Influenza virus d’origine sauvage pourraient contaminer des porcs, chez qui le pathogène pourrait se réassortir et se transmettre à l’Homme, illustre Nicolas Eterradossi.
Finalement, au-delà des modes de consommation et de production des aliments, les contaminants microbiens eux-mêmes évoluent. Et ce, parfois sans que ces changements puissent être expliqués. Ainsi Marianne Chemaly évoque-t-elle une augmentation de la proportion du sérotype « napoli » parmi les salmonelles. De même, « l’incidence du Clostridioides difficile, jusqu’à présent pas connu comme un danger alimentaire, augmente partout dans le monde », poursuit-elle.
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