Le projet de loi inscrivant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution est présenté ce 12 décembre en Conseil des ministres, avant son examen à partir du mercredi 24 janvier dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle (PJLC), ce sera in fine la « liberté garantie » aux femmes de recourir à l'avortement qui figurera dans la loi fondamentale, plutôt que le « droit à l'IVG » qui avait les faveurs des organisations militantes des droits des femmes. « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse », peut-on lire dans le texte.
Les associations, tout comme la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), mettent en avant le fait que la notion de liberté, moins forte juridiquement que celle de droit fondamental, dépendra de l'interprétation du législateur qui pourra définir les conditions d'accès à l'IVG, et potentiellement les restreindre.
Au palais Bourbon, la conférence des présidents, qui réunit les principaux chefs de file de l'Assemblée, l'a inscrit à l'ordre du jour le 24 janvier en séance, sous réserve de son dépôt. Après l'examen à l'Assemblée et au Sénat, il faudrait que 3/5e des députés et sénateurs, réunis lors du Congrès, avalisent la formulation. Dans un courrier adressé aux chefs de parti en novembre, Emmanuel Macron avait évoqué la date du 4 mars pour cette réunion du Congrès.
Montrer l'exemple sur la scène internationale
Demande de longue date des associations féministes et de la gauche, la question de l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution a ressurgi en 2022 après l'annulation de l'arrêt Roe versus Wade garantissant aux États-Unis le droit d'avorter sur tout le territoire.
Cette mesure a fait l'effet d'un électrochoc dans de nombreux pays, notamment en France où des voix se sont élevées pour réclamer des actions fortes afin d'éviter une telle régression en matière de droits des femmes dans l'Hexagone.
« Les libertés reconnues aux femmes, que l'on pensait en quelque sorte impossible de faire reculer, sont remises en cause par des mouvements politiques, parfois par des dirigeants qui arrivent au pouvoir, par des jurisprudences qui changent… », a souligné Emmanuel Macron à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme. « C'est pourquoi la France se félicite de montrer l'exemple », a ajouté le chef de l'État.
Dans les faits, l'inscription du recours à l'IVG dans la Constitution - et non simplement dans une loi ordinaire, comme c'est le cas aujourd'hui - est avant tout symbolique. Sa mention dans la loi fondamentale compliquerait les tentatives de le supprimer ou de lui porter gravement atteinte, mais il pourrait toujours être abrogé par une nouvelle révision constitutionnelle. « C’est extrêmement fort. C’est un combat qui a énormément de valeur aussi dans le débat international », défend l'Élysée.
Un symbole fort
Dans les rangs des associations féministes, on salue un « symbole fort ». L'inscription dans la Constitution « ne va pas changer la manière dont aujourd'hui les femmes ont recours à l'avortement en France, ce n'est pas suffisant pour améliorer les choses », souligne la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert, citant notamment les problèmes d'accès à l'IVG liés à la fermeture de maternités. « Néanmoins ça nous paraît nécessaire dans le contexte international d’une grande violence et d’attaques coordonnées de mouvements anti-avortement, c’est important de réaffirmer le caractère fondamental de ce droit et de réaffirmer dans quel camp se situe la France », ajoute-t-elle.
« On est dans une situation qui fait que la meilleure écriture est celle qui sera votée le plus rapidement possible et c'est un compromis », abonde la présidente du Planning familial, Sarah Durocher.
À l’inverse, l'association pro-vie Alliance Vita voit dans l'inscription de l'IVG dans la Constitution un « non-sens » et juge la mise en place d'une vraie « politique de prévention de l’avortement plus que jamais nécessaire ».
Autorisée temporairement en 1975 par la loi Veil, l'IVG est définitivement légalisée en France en décembre 1979. La loi s'est depuis étoffée, avec un délai légal étendu à 14 semaines de grossesse et une prise en charge à 100 %. Selon les derniers chiffres officiels, 234 300 IVG ont été enregistrées en France en 2022.
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