À l’instar d’autres pathologies, des différences de sexe et de genre existent dans le diabète. Ainsi, la Fédération française des diabétiques (FFD) a souhaité en faire le thème d’un colloque à l’occasion de la Journée internationale du diabète le 14 novembre. « Ces différences sont bien sûr biologiques, mais aussi sociales et sociétales. Outre le fait d’en parler de manière générale, nous souhaitons plus particulièrement mettre en exergue le diabète au féminin », déclare le Dr Jean-François Thébaut, cardiologue et vice-président en charge du plaidoyer et des affaires externes de la FFD. Ainsi, pour la fédération et les professionnels de santé intervenants au colloque, ces différences nécessitent d’être prises en compte tout au long du parcours de soins, car elles sont pourvoyeuses d’inégalités qui pèsent sur les patients de sexe et de genre féminin.
« Les plus grandes différences concernent les facteurs de risque cardiovasculaire sur lesquels nous pouvons réellement agir », complète le vice-président, insistant sur la prévention et l’information à la population générale. Pour le député de Moselle Belkhir Belhaddad, cela passe par la prescription d’activité physique et la création de maisons sport santé, ainsi qu’un changement de paradigme « du curatif vers la prévention ». Une orientation partagée par la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, la Dr Geneviève Darrieussecq, intervenant au colloque en distanciel, qui promeut le déploiement récent de « Mon Bilan Prévention ». Aux inégalités de sexe et de genre dans le diabète, la ministre répond par la possibilité de travailler à des recommandations médicales spécifiques, notamment pour les femmes ayant un projet de grossesse.
La prévalence du diabète est corrélée au désavantage social, notamment chez les femmes
Présentées par Sandrine Fosse-Edorh de Santé publique France (SPF), les éléments du système national des données de santé (SNDS) exploités par le programme de surveillance du diabète en France montrent tout d’abord que la prévalence du diabète (tous types confondus) est plus importante chez les personnes de sexe masculin dans l’Hexagone, avec 6,4 % des hommes et 4,8 % des femmes traitées pour un diabète en 2023. Seule exception dans les Drom, où le rapport est inversé.
De plus, bien que le taux d’incidence brut des hospitalisations pour complications chroniques du diabète soit plus élevé chez les hommes, le surrisque cardiovasculaire est plus élevé chez les femmes diabétiques. Enfin, la prévalence du diabète se révèle corrélée positivement avec le désavantage social et, ce, plus fortement chez les femmes (surrisque de 1,8) que les hommes (x1,4). Certes, l’étude Entred menée par SPF montre que le recours aux soins et le contrôle des facteurs de risque sont équivalents pour les deux genres. Mais les femmes sont plus touchées par les inégalités sociales et ont une qualité de vie plus altérée que les hommes.
Le contrôle glycémique fluctue durant le cycle menstruel
Co-coordinateur de la cohorte SFDT1, le Pr Emmanuel Cosson (hôpital Jean-Verdier à Bondy) explique « que les hormones féminines jouent un rôle prépondérant dans la survenue et l’évolution du diabète ». La puberté, la grossesse et la ménopause, des périodes charnières, sont ainsi « l’occasion de faire un bilan et une évaluation des risques pour les diabétiques comme en population générale ». Mais il semble que le cycle menstruel suffise à lui seul à faire varier le contrôle glycémique. Il existerait en effet un risque d’hypoglycémie plus important au moment des règles et un risque d’hyperglycémie plus marqué en phase lutéale.
Un constat partagé par la Dr Emmanuelle Lecornet-Sokol, endocrino-diabétologue, qui alerte sur la surveillance du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) dans les diabètes de types 1 et 2. À ce sujet, la Dr Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, déplore la prise en charge trop tardive des patients diabétiques en soulignant les différences entre les deux sexes. « Les femmes ont des risques cardiovasculaires spécifiques et cela est encore plus vrai en présence de diabète, mais le calcul de risque ne le prend pas en compte », détaille la cardiologue. Toutes deux mettent en avant la grossesse comme période clé pour faire de la prévention auprès des femmes à risque. « Le diabète gestationnel augmente non seulement le risque de DT2, mais une complication durant la grossesse augmente le risque cardiovasculaire à cinq ans », rapporte la Dr Manzo-Silberman.
Des leviers d’action différenciés
Si tous les intervenants s’accordent sur l’importance d’encourager l’activité physique chez les femmes, c’est en prenant en compte les pressions et les inégalités qui pèsent déjà sur elles dans la société. Ainsi, « il ne faut pas avoir un discours culpabilisant, notamment concernant l’alimentation », explique la Pr Martine Laville, nutritionniste aux Hospices civils de Lyon. « Nous devons apprendre à mieux communiquer auprès des femmes, mais aussi des populations défavorisées et celles dans les Drom », ajoute-t-elle. Enfin, suivant la position de la FFD, la directrice des assurés de la Caisse nationale d’assurance-maladie, Catherine Grenier, met en avant l’intérêt « d’adapter les messages en fonction du genre et du sexe et d’avoir des démarches différenciées ».
La prévalence du diabète a doublé en trente ans dans le monde
Une étude publiée dans The Lancet fait un état des lieux de la prévalence et du traitement du diabète dans le monde entre 1990 et 2022. Actuellement, plus de 800 millions d’adultes vivent avec un diabète, une prévalence qui a doublé entre 1990 et 2022, avec une majorité de diabète de type 2. Parmi les personnes diabétiques, plus d’un quart vit en Inde et 42 millions aux États-Unis, mais la prévalence la plus haute en 2022 était observée aux États-Unis (plus d’une personne sur dix). Plus de la moitié des patients n’ont pas reçu de traitement en 2022, une proportion qui allait jusqu’à 90 % dans certains pays.
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