Le virage préventif, c’est maintenant ! C’est ce que prônent quatre syndicats d’étudiants et de jeunes médecins (Anemf, Reagjir, Isni et Isnar-IMG) ainsi que l’Institut Santé dans un manifeste ad hoc, qui sera présenté mercredi 30 octobre à l’Assemblée*.
Dans ce document que Le Quotidien a pu consulter en exclusivité, les jeunes médecins appellent à une réforme profonde de la prévention en santé, fondée sur une gouvernance renforcée, un financement dédié et une formation modernisée. « À travers ce manifeste, l’objectif est de donner une vision pour passer d'un système de soin à un système de santé, formule le Dr Raphaël Dachicourt, médecin généraliste et président de Reagjir. Nous devons aller au-delà des consultations individuelles pour adopter une approche populationnelle [à l’échelle d’un territoire, NDLR] intégrant la prévention dans la vie des patients. »
Études : des modules obligatoires dès la première année
Pour amorcer ce virage préventif, les syndicats proposent d’introduire une véritable culture de la prévention dès le début de la formation médicale. Alors que cette thématique est, selon eux, presque absente des programmes, ils souhaitent qu’elle s’installe de façon transversale tout au long du cursus, avec des modules obligatoires dès la première année. « L’idée n’est pas d’alourdir le programme, mais d’évaluer les enseignements actuels et de revoir certains contenus pour identifier ceux essentiels à la pratique et ceux qui pourraient être remplacés par des modules sur la prévention », précise Lucas Poitevin, président de l’Anemf.
L’étudiant en cinquième année d’externat prend l’exemple du cycle de Krebs, passage obligé en première année certes « utile pour l’apprentissage » mais « pas toujours utile dans la pratique » et rapidement relégué aux oubliettes. Au cours du deuxième cycle, les cours magistraux doivent intégrer la prévention, martèlent les syndicats. Comment ? En transformant par exemple certaines unités optionnelles comme la santé environnementale en unités obligatoires.
Sur le terrain : des stages en école et en entreprise, des missions en santé publique
Cette acculturation doit se poursuivre tout au long de l’externat à travers la réalisation de stages tournés vers la prévention, sur des lieux d’exercice tels que les écoles, les collectivités territoriales ou les services de santé en entreprise. Les auteurs du manifeste proposent par ailleurs d’accorder à chaque interne une demi-journée hebdomadaire pour des missions en santé publique, dans les services de PMI par exemple, afin d’enrichir leurs stages d’une expérience concrète en prévention. « Les stages hors filières en santé publique doivent être encouragés dans toutes les spécialités car c’est loin d’être le cas aujourd’hui, pointe Killian L'helgouarc'h, président de l’Isni. Par ailleurs, nos enseignants doivent être sensibilisés à l’importance de la prévention », insiste-t-il.
En ce qui concerne les internes de médecine générale, la formation à la prise en charge des addictions, comme le tabac, doit être intensifiée. « On sait très bien aujourd’hui que le généraliste est en première ligne pour aider les patients à arrêter le tabac sauf que, pour les étudiants, c’est loin d’être inné, constate Bastien Bailleul, président de l’Isnar-IMG. Pour être opérationnels, les futurs médecins ont besoin d’une formation théorique solide mais surtout d'une formation pratique, en participant à des consultations aux côtés d’addictologues, de psychiatres et d’autres spécialistes de la prévention. »
Financement : passer à 25 milliards d’euros par an d’ici cinq ans
Toutefois, « sans financement, pas de prévention efficace », écrivent les syndicats. Actuellement, les dépenses consacrées à la prévention en France ne représentent que 5 % de l’ensemble des dépenses de santé annuelles, soit près de 13 milliards d’euros. Un ratio bien insuffisant pour les jeunes médecins, qui appellent à un effort budgétaire conséquent pour porter cette part à 10 % d’ici cinq ans.
Enfin, les auteurs interpellent sur la nécessité de mettre en place un cadre de gouvernance clair au niveau national et territorial, impliquant une coordination étroite entre les agences sanitaires existantes. Les auteurs du rapport préconisent de clarifier la structuration de la territorialisation de la santé dans une logique de « bottom-up » à travers trois échelons : local, départemental et régional.
Les jeunes médecins proposent aussi d'instaurer une loi d'orientation et de programmation sanitaire sur cinq ans qui intégrerait une stratégie nationale de santé publique. Cette stratégie se fonderait sur un diagnostic national actualisé de l'état de santé de la population, élaboré à partir des données de santé bassin de vie par bassin de vie.
Reste désormais à savoir si ce projet ambitieux rencontrera l’écoute des décideurs politiques. À l’heure où le budget de la Sécurité sociale pour 2025 et sa recherche d’économies à tous crins a toutes les peines du monde à convaincre le Parlement, rien n’est moins sûr.
* Conférence-débat « Les jeunes s’engagent pour la prévention au cœur du futur système de santé », mercredi 30 octobre de 18 heures à 20h45. Salle Colbert – Assemblée Nationale.
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