Pour « relever le défi d’une génération débarrassée du tabac dès 2032 », le gouvernement a présenté ce 28 novembre un nouveau plan de lutte contre le tabagisme, qui passera notamment par une hausse du prix des cigarettes, une extension des « espaces sans tabac » et l'interdiction des « puffs ».
Ce nouveau programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027 s’appuie sur « le renforcement de la fiscalité et les interdictions entourant le tabac », a exposé le ministre de la Santé et de la Prévention devant la presse Aurélien Rousseau.
L'objectif est notamment de prévenir l'entrée dans le tabagisme, en particulier chez les plus jeunes, et de mieux accompagner les fumeurs vers l’arrêt du tabac, spécialement les plus modestes.
Si les mesures sont saluées par les associations de lutte contre le tabac, elles déplorent que le plan n'aille « pas assez loin sur la trajectoire fiscale », dénonçant « l'influence du lobby des buralistes ».
Consensus scientifique mondial
Parmi ses mesures-phares : rendre le paquet de cigarettes moins abordable. La hausse des prix du tabac, « cela fonctionne et c'est très efficace, cela fait l'objet d'un consensus scientifique au niveau mondial », a souligné Aurélien Rousseau.
De nombreuses marques atteignent aujourd'hui le prix de 11 euros pour un paquet de 20 unités. Le prix plancher sera porté progressivement à 13 euros d'ici à début 2027, avec une première étape à 12 euros en 2025.
Dès janvier 2024, les prix des paquets devraient augmenter, cette fois sous l'effet de l'inflation, de 40 à 50 centimes, selon des estimations de la Confédération des buralistes communiquées à l'AFP.
Les espaces sans tabac, matérialisés par des panneaux, vont être généralisés à toutes les plages, parcs publics, forêts et près de certains lieux publics, comme les établissements scolaires, a annoncé Aurélien Rousseau, évoquant la possibilité « d'amendes », d'un montant encore à fixer.
« Je crois beaucoup à la débanalisation de la clope dans l’espace public », a-t-il lancé. « Les espaces sans tabac - déjà plus de 7 200 à travers plus de 73 départements - sont avant tout le résultat d'un mouvement impulsé localement par les communes. Nous renversons la responsabilité et fixons ce principe qui devient la règle », a-t-il expliqué.
Interdiction des puffs et extension du paquet neutre
Pour les prix des paquets et les interdictions, des décrets sont attendus « au premier trimestre 2024 », a précisé le ministre.
Par ailleurs, « comme la Première ministre s'y était engagée », la vente des produits du vapotage jetables (puffs), prisés notamment des jeunes, sera interdite, a annoncé Aurélien Rousseau, dénonçant une « aberration tant de santé publique qu'environnementale ».
L'interdiction se fera « grâce à une proposition de loi transpartisane », examinée à l'Assemblée nationale en commission ce mardi après-midi et dans l'hémicycle le 4 décembre. « Nous sommes très optimistes pour un vote très rapide », a-t-on assuré dans l'entourage du ministre, où l'on table sur une interdiction effective au plus tard en septembre 2024.
Le gouvernement surveille aussi les sachets de nicotine, « nouveau mode de consommation qui cible les plus jeunes », et prendra « les mesures nécessaires » contre « toute pratique qui peut paraître ludique ou détournée de l’impact du tabac », selon Aurélien Rousseau.
Le nouveau plan entend aussi poursuivre les travaux des dernières années pour rendre le tabac moins attractif avec le paquet neutre, sans logo de marque, qui va être étendu à tous les produits du tabac et du vapotage.
Pharmaciens prescripteurs de substituts nicotiniques
Pour accompagner les fumeurs vers l'arrêt du tabac, le nouveau dispositif « Mon bilan prévention », que le gouvernement veut instaurer aux âges clés de la vie, « sera l’occasion de systématiser le repérage du tabagisme », estime le ministère. Les traitements de substitution nicotinique pourront désormais être prescrits par les pharmaciens.
Les acteurs de l’économie du tabac, notamment les buralistes, seront accompagnés « dans une nécessaire transition pour transformer leur métier ». Et le versement d'aides de l'État sera conditionné à des objectifs de santé publique, comme le respect de l'interdiction de vente aux mineurs.
Des associations très critiques
De son côté, l'Alliance contre le tabac (ACT), si elle se félicite de mesures pour diminuer l'attrait des produits du tabac, déplore « l’absence d’une véritable trajectoire fiscale » dans un communiqué. Un constat partagé par le Comité national contre le tabagisme (CNCT) jugeant ce nouveau plan « en demi-teinte » et « en incohérence avec l’objectif de parvenir à une génération sans tabac d’ici 2032 », en raison d'« un fort lobby des buralistes ». Le comité souligne que la hausse des prix est « particulièrement efficace auprès des jeunes et des catégories sociales plus précaires ».
L'ACT, qui insiste aussi sur la nécessité d’une hausse continue et progressive du prix des produits du tabac, chiffre les objectifs : « de minimum 10 % par an hors inflation, ce qui porterait le prix d’un paquet de cigarettes à 16 euros en 2027 ». L’association pointe également que le respect de l’interdiction de vente aux mineurs est « une condition sine qua non pour atteindre l’objectif gouvernemental d’une génération sans tabac d’ici 2032 », et plaide à ce titre pour « des contrôles et des sanctions renforcés ».
Après une baisse d'une ampleur inédite entre 2016 et 2019, le tabagisme s'est stabilisé en France, mais les inégalités sont fortes en fonction du milieu social. La France comptait en 2021 plus de 12 millions de fumeurs quotidiens, soit 25 % des 18-75 ans. Chez les jeunes, la prévalence du tabagisme quotidien a baissé significativement, passant de 25 % à 16 % entre 2017 et 2021. Le tabac reste la première cause de mortalité évitable en France, avec 75 000 morts par an.
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