La France est devenue le premier État au monde à inscrire dans sa Constitution la « liberté d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse », ce 4 mars, grâce à un vote de 852 parlementaires (780 pour contre 72, soit bien au-delà du seuil minimal des 512 voix) réunis en Congrès au château de Versailles. Une décision historique, qui ne « rend absolument pas caduque » la clause de conscience des professionnels de santé, a assuré le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti.
« Nos libertés sont par essence menacées. Par essence fragiles, par essence à la merci de ceux qui en décident. Et lorsqu’on veut s’en prendre aux libertés d’un peuple, c’est toujours par celle des femmes qu’on commence », a déclaré Gabriel Attal, arrivé à Versailles aux côtés de Jean Veil, le fils de Simone Veil. « Je dis à toutes les femmes, au sein de nos frontières et au-delà, que l’ère d’un monde d’espoir commence », a déclaré le Premier ministre. « Le 4 mars 2024 est désormais gravé dans la grande histoire des droits humains et des droits des femmes comme un tournant historique », a salué la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. « En étant le premier pays au monde à garantir cette liberté dans notre Constitution, nous allons susciter, là où nous sommes encore, sinon un exemple, du moins une référence, des débats, des prises de position, des avancées, j’espère, qui rapprocheront le jour où, comme ici, les femmes seront libérées de la peur, de la culpabilité et de l’impuissance à maîtriser leur destin », a lancé le sénateur Claude Malhuret (Les Indépendants) après avoir témoigné du jour où il avait été confronté à un infanticide, en tant que coopérant médecin.
Élaboration d’un compromis
Ce vote est l’aboutissement d’un long processus initié dans le sillage de l’annulation de l'arrêté « Roe versus Wade » qui garantissait constitutionnellement le droit à l'avortement aux États-Unis depuis 50 ans, en juin 2022. C’est d’abord la députée Mathilde Panot, de La France Insoumise, qui a proposé un texte à l’automne 2022, garantissant le « droit à l'interruption volontaire de grossesse ». S’il a été adopté en première lecture à l'Assemblée, il a été réécrit au Sénat en février 2023 : le droit disparaît derrière la notion de « liberté ».
Assuré d’un certain consensus politique, le président Emmanuel Macron (qui s’était montré réticent face à l’allongement des délais en 2021) fait sienne la volonté de constitutionnaliser l’IVG le 8 mars 2023, lors d’un hommage à l’avocate et militante Gisèle Halimi. Présenté fin 2023, le projet de loi constitutionnelle (véhicule qui permet d’éviter un référendum) a été adopté par l’Assemblée nationale le 30 janvier 2024 (493 voix pour, 30 contre), puis par le Sénat le 28 février (267 voix pour, 50 contre).
Aucune remise en cause de la clause de conscience
L'inscription de l'IVG dans la Constitution de 1958 « ne rend absolument pas caduque » la clause de conscience des professionnels de santé, a assuré ce 3 mars le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. Certaines voix à droite s’étaient émues que la liberté de recourir à l’IVG, inscrite dans la Constitution, ait une valeur juridique supérieure à la clause spécifique introduite en 1975 dans la loi Veil qui dépénalisait l’IVG. Des sénateurs LR avaient ainsi proposé – en vain – la constitutionnalisation de cette clause, en parallèle de celle de l’IVG.
« Le médecin qui ne voudra pas (pratiquer une IVG) aura évidemment le droit et la liberté de ne pas vouloir. On ne va pas violer les consciences. Et ça, c’est d’ores et déjà garanti par le Constitution », a affirmé le garde des Sceaux en rappelant que « la liberté de conscience est déjà constitutionnelle ». « Cette rédaction ne remet pas en cause la liberté constitutionnelle de conscience qui sous-tend la liberté des médecins et des sages-femmes de ne pas pratiquer une interruption volontaire de grossesse », a assuré à la tribune Anne-Cécile Violland, députée Horizons.
Selon les derniers chiffres de l’Ined, 232 000 avortements ont été recensés en France en 2022, en hausse par rapport à 2021 (216 000), après deux années de stabilité. Sont particulièrement représentées les femmes âgées de 20 à 34 ans, et surtout entre 25 et 29 ans. Les IVG médicamenteuses représentent plus des trois quarts des avortements.
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