Selon le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, la France compte encore près de 32 % d’adultes fumeurs. Cette stagnation de la prévalence du tabagisme vous inquiète-t-elle ?
Dr Anne-Laurence Le Faou : Oui, car 32 % de fumeurs, c’est beaucoup. En Europe, seules la Grèce, la Croatie ou la Bulgarie atteignent de tels chiffres. Les autres pays comptent eux 12 à 14 % de fumeurs dans leur population, et le tabagisme continue d’y diminuer. Ainsi, il faut, comme au Canada ou au Royaume-Uni, davantage de mesures collectives : nouvelles augmentations du prix du paquet de cigarettes (qui atteint 30 euros en Australie), application stricte des interdictions en vigueur, etc. Au niveau individuel, la prise en charge de l’arrêt du tabac par les professionnels de santé doit aussi être encouragée, sans doute par une rémunération spécifique et une amélioration de la formation des prescripteurs, même si cela ne suffit pas : alors qu’il faut en moyenne 5 tentatives d’arrêt et 5 consultations pour aboutir à un sevrage, nombre de généralistes mais aussi de kinés, d’infirmiers, etc. font part de contraintes de temps, aggravées par la démographie actuelle des professions de santé médicale.
Comment expliquer l’engouement pour les nouveaux produits « sans tabac » chez les jeunes ?
Dr A.-L. Le F. : Le marché de la nicotine est en pleine expansion, 13 % des 13-16 ans ayant par exemple essayé la puff (e-cigarette jetable), selon les statistiques de l’Alliance contre le tabac. Alors que le XXe siècle était le siècle du tabac, le XXIe siècle sera le siècle de la nicotine. Car l’industrie du tabac – qui a racheté des fabricants de cigarette électronique ou de snus (tabac oral) mène un marketing agressif, avec des conditionnements colorés, beaucoup d’arômes, une apparence plus clean, une présence sur les réseaux sociaux via des sportifs, etc. De plus, ces produits psychoactifs répondent à une recherche de sensations chez les jeunes, tout en évitant la fumée de tabac et son odeur classique.
Ces nouveaux produits sont-ils si problématiques ?
Dr A.-L. Le F. : Ces produits semblent moins toxiques que le tabac classique. Cependant, des risques sont rapportés : irritation locale, aggravation d’asthme chez les jeunes utilisateurs de cigarette électronique et cancers ORL pour les adultes consommateurs de snus. En outre, certaines cigarettes électroniques comme la puff dépassent souvent la concentration de nicotine autorisée par l’UE. D’où un risque accru pour les jeunes d’addiction nicotinique voire de passage au tabac classique. Et chez les vapo-fumeurs, qui s’exposent à la fois aux risques du tabac et à ceux potentiels de la cigarette électronique, ce cumul des produits ne doit être qu’une étape intermédiaire vers l’arrêt complet du tabac. Sachant que la cigarette électronique se révèle souvent insuffisante pour parvenir à l’arrêt complet du tabac chez les fumeurs les plus dépendants malgré son effet de shoot nicotinique, nécessitant l’ajout de patchs.
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