Le cannabis est-il délétère pour l’appareil urinaire ? L’augmentation des cancers testiculaires et des tumeurs de vessie observés chez l’homme jeune a conduit les urologues réunis lors du congrès français d’urologie (AFU,18-21 novembre) à s’interroger.
« Nous constatons un doublement de l’incidence du cancer du testicule entre les années 1980 et 2010, a indiqué le Pr Éric Lechevallier (Hôpital de la Conception, Marseille) lors d’une session dédiée. La toxicité du cannabis est réelle, même si peu d’études précisent le type de cannabis consommé, le niveau de consommation, etc.». Quoi qu’il en soit, de grandes tendances se dégagent. Les données les plus solides concernent le cancer testiculaire et « en particulier une forme particulièrement agressive : les tumeurs germinales non séminomateuses (TGNS), avec un risque doublé en cas de consommation prolongée de plus de dix ans. » Globalement, pour les tumeurs germinales testiculaires, une métaanalyse de 2015 rapporte une augmentation du risque. Une seconde méta-analyse parue en 2019 confirme ce surrisque chez les patients ayant une consommation prolongée de cannabis comparativement aux non-fumeurs (HR 1,36).
Un effet « probable » sur le cancer de la vessie
Dans le cancer de la vessie, « nous avons des arguments pour suspecter les effets néfastes du cannabis fumé, poursuit le Pr Lechevallier, mais à ce stade, du fait d’études controversées, le risque n’est que probable. » Quelques études cas-témoin, mais sans mention du tabagisme associé et avec peu de patients, rapportent une association entre consommation de cannabis et tumeur de la vessie. « Il semble bien exister un surrisque, ajoute-t-il. La combustion de tout produit génère des hydrocarbures aromatiques polycycliques, dont l’inhalation est un facteur de risque majeur de cancer de vessie. De plus, la demi-vie du THC dans les urines est élevée et un retard de vidange vésicale a été constaté chez les fumeurs réguliers. »
Dans le cancer de la prostate, le doute demeure. En revanche, aucune association n’est retrouvée entre THC et cancer du rein et du pénis. Mais les études sont rares, voire inexistantes…
Si mieux connaître la toxicité urologique du cannabis est nécessaire, cela représente un travail complexe : « pas moins de 500 substances différentes ont été isolées dans le cannabis, auxquelles s’ajoutent les différents additifs incorporés dans la résine », précise le Dr Alice Deschenau, psychiatre (GH Paul Guiraud, Villejuif). « Le cannabis agit sans doute par des mécanismes complexes à la fois au niveau du système nerveux central et par une action toxique directe sur les tissus cibles », poursuit le Pr Lechevallier. Sans oublier les toxicités croisées : en France, le cannabis est principalement consommé sous forme de joints, en association avec du tabac. D’ores et déjà, « lorsqu’un urologue reçoit en consultation un jeune patient pour une tumeur de vessie ou d’un testicule, mais également pour des troubles érectiles ou une infertilité, il doit penser à l’interroger sur sa consommation de cannabis » concluait-il.
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