La HAS a publié récemment son rapport sur les EIGS. Qu’entend-on exactement par-là ? Quels constats pour 2020 ?
Laetitia May-Michelangeli : Les EIGS correspondent à tous les évènements indésirables associés aux soins qui ont eu des conséquences graves pour le patient, que ce soit le décès, la mise en jeu du pronostic vital ou un déficit fonctionnel permanent.
En 2020, 1 081 EIGS ont été déclarés. La plupart concernaient des patients de 60 ans et plus (54 %), et correspondaient à des évènements survenus plutôt lors d’un acte thérapeutique (80 %) qu’à l’occasion d’un acte diagnostique (12 %). Suicides, chutes et erreurs médicamenteuses (et notamment erreurs de doses) sont toujours en tête de ce qui est déclaré, ce qui est assez classique.
On constate par ailleurs de grandes disparités géographiques avec des régions qui déclarent beaucoup plus que d’autres, ce qui ne veut pas dire qu’il y a davantage de risques dans ces territoires. Ce n'est pas parce qu'on déclare plus qu'on réalise plus de mauvais soin. Au contraire la corrélation est établie à l'inverse. Cela dépend également de la dynamique de déclaration locale.
Beaucoup de dispositifs de vigilance sont sous-utilisés. Qu’en est-il pour les EIGS ?
L. M.-M. : C’est un dispositif qui est jeune et qui monte en puissance progressivement mais la sous-déclaration reste importante en France. Grâce aux enquêtes en vie réelle, on sait que le nombre de déclarations ne reflète pas la réalité. Par exemple, les résultats préliminaires d’Eneis 3 mettent en évidence la survenue de quatre EIGS par service de 30 lits par mois, soit bien plus que ce qui nous est remonté. En ville, l'étude Esprit de 2103 mettait en évidence 22 évènements indésirables associés aux soins pour 1 000 actes dont 2% étaient des EIG.
Dans quelle mesure les généralistes sont-ils concernés par cette question ?
L. M.-M. : Les professionnels exerçant en ville sont effectivement ceux qui déclarent le moins (4 % des déclarations), devant les structures médico-sociales (11 %) et les établissements de santé (83 %). Ce qui est assez logique car les établissements de santé sont confrontés à des patients plus à risque. Cependant, comme la médecine de ville est sollicitée de plus en plus tôt en relais de l’hôpital et prend en charge de plus en plus de patients comorbides et complexes, le nombre d’EIGS va forcément augmenter en ambulatoire.
D’ailleurs, même si elles ne sont pas nombreuses, on a déjà quelques déclarations en ville et à domicile. Et il n’y a pas de raison que les généralistes ne soient pas concernés. Par exemple, pour les médicaments, les erreurs de doses, de modalités d’administration, d’omission… décrites en établissements existent aussi probablement en ville mais nous n’avons aucune donnée. Même chose pour les défauts diagnostiques, qui sortent à l’international mais pas en France. Or tant qu’on n’aura pas suffisamment de déclarations, on ne pourra pas appréhender le risque et faire progresser la sécurité des soins en ville. La moitié des évènements ayant conduit au décès sont estimés évitables, ce qui veut dire qu’on peut faire quelque chose…
Comment mobiliser davantage les généralistes ?
L. M.-M. : Il faut d’abord les sensibiliser au fait que l’on peut être concerné par un EIGS, même en ville.
Par ailleurs, si l’on progresse petit à petit en établissement de santé, c’est probablement grâce à certains incitatifs, comme la certification. De la même façon, il faut peut-être réfléchir à mettre en place des mécanismes d’évaluation de ce qui se passe en ville, notamment en maison de santé.
Par ailleurs, les généralistes connaissent très peu le dispositif. D’où l’importance de la communication et de l’accompagnement des médecins de ville sur ce sujet. Les structures régionales d’appui (SRA) peuvent apporter de l’aide pour l’analyse et la déclaration des EIGS. Il y a aussi des initiatives spécifiques vers la ville qui sont en train de se mettre en place avec des groupes de pairs.
Un troisième levier pourrait être l’intéressement financier, via par exemple des mécanismes de type Rosp.
Au-delà du manque de sensibilisation, n’y a-t-il pas une crainte des poursuites ? Pour le praticien, quelles sont les suites données à une déclaration d’EIGS ?
L. M.-M. : À la HAS, nous défendons une culture de sécurité bienveillante et apprenante plutôt que sanctionnante et fautive. Le but de la déclaration n’est pas de punir mais de comprendre ce qui s’est passé et il me semble, au contraire, que c’est le fait de ne pas déclarer qui devrait être sanctionné ! Malheureusement, on ne peut pas nier qu’aujourd’hui, ça n’empêche ni les plaintes ni d’éventuelles inspections de la part des ARS.
Au niveau de la HAS, que faites-vous des déclaration d’EIGS ?
L. M.-M. : L'analyse nationale des déclarations d'EIGS par la HAS a pour but de comprendre leurs causes profondes en vue d'identifier des leviers pour éviter leur répétition. Comme la HAS ne dispose pas de donnée à caractère identifiant, aucun retour individuel vers le déclarant n'est possible. Nous réalisons par contre un retour d'expérience national.
Propos recueillis par Bénédicte Gatin
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