Une étude soutenue par les Instituts nationaux de la santé américains (NIH) écorche le mythe des buveurs qui « tiendraient » mieux l’alcool. Contrairement à une idée reçue, l’intoxication alcoolique aiguë produirait autant de déficits des fonctions psychomotrices et cognitives chez les personnes avec un trouble lié à la consommation d'alcool.
« Beaucoup de gens pensent que les buveurs expérimentés sont plus tolérants aux effets néfastes de l’alcool », résume la Dr Andrea King, première autrice, dans un communiqué. La réalité est plus nuancée : dans l’étude, « lorsqu’ils ont bu de l'alcool à une dose similaire à leur consommation habituelle, nous avons constaté des altérations des fonctions cognitives et de la motricité fine encore plus marquées que celles d’un buveur léger exposé à une dose enivrante », poursuit la psychiatre de l’université de Chicago qui mène depuis 2004 le projet de recherche « Chicago Social Drinking Project ».
Des jeunes adultes évalués selon leurs habitudes de consommation
Pour cette étude publiée dans « Alcohol : Clinical and Experimental Research », les auteurs se sont appuyés sur les données de trois cohortes du Chicago Social Drinking Project. Trois groupes de participants en bonne santé, âgés de 21 à 35 ans, ont été inclus : des buveurs « légers » (n = 86), des buveurs « sociaux » (n = 208) qui pratiquent le « binge drink » plusieurs fois par mois et des personnes avec un trouble lié à la consommation d’alcool (n = 103).
Les effets de l'alcool sur leurs performances ont été évalués à travers deux tests. La mesure de la motricité fine consistait à récupérer, faire pivoter et insérer une cheville métallique dans des trous fendus d'une planche métallique. Les participants étaient notés sur le temps nécessaire pour accomplir la tâche. Le deuxième test portait sur les compétences cognitives. Les participants ont été soumis à un test appelé « paper and pencil task », où ils disposent de 90 secondes pour associer correctement le plus de symboles possibles à une grille numérotée.
Avant ces tests, l'équipe de recherche a indiqué aux participants qu'ils recevraient une boisson contenant de l'alcool, un stimulant, un sédatif ou un placebo. La boisson alcoolisée était un mélange aromatisé contenant l’équivalent de quatre à cinq verres d’alcool, une dose considérée comme suffisante pour intoxiquer un buveur standard (lectures d’alcootest de 0,08 à 0,09 %). Les femmes ont reçu 85 % de la dose des hommes pour tenir compte des différences de métabolisme.
Les participants ont consommé la boisson sur une période de 15 minutes. Ils ont passé un alcootest et effectué les tâches de performance à 30, 60, 120 et 180 minutes après avoir ingéré la boisson. Aux intervalles de 30 et 180 minutes, les participants ont également été invités à indiquer à quel point ils se sentaient affaiblis, de « pas du tout » à « extrêmement ». Le groupe de personnes avec un trouble de la consommation a participé à une session supplémentaire où ils ont été exposés à une boisson plus conforme à leurs habitudes de consommation, équivalant à sept ou huit verres (lectures d'alcootest de 0,13 %).
Des altérations plus marquées à la dose d’alcool habituelle
Il ressort de la première session que les buveurs sociaux et les personnes avec un trouble de la consommation déclaraient se sentir moins altérés que les buveurs légers. À 30 minutes, ils affichaient moins d'altération cognitive, mais subissaient un ralentissement similaire aux buveurs légers lors du test de motricité fine. Ils revenaient ensuite plus rapidement à leur état normal. Ces premiers éléments plaident pour une tolérance accrue des gros buveurs.
Mais, exposés à une dose plus élevée d’alcool, ces buveurs excessifs avaient plus que doublé leurs troubles cognitifs et moteurs par rapport aux altérations observées après avoir reçu la dose initiale. Ils ne sont par ailleurs jamais revenus à leur niveau de performance de base, même après trois heures. Leur niveau d'affaiblissement dépassait celui des buveurs légers à la dose standard.
« J'ai été surprise de voir à quel point ce groupe a été affaibli par cette dose plus élevée, car même si c'est 50 % de plus que la première dose, nous constatons plus du double de l'affaiblissement », commente la Dr King, qui travaille à une compréhension plus nuancée des effets de l’alcool dans l’optique d’améliorer la prévention. « J'espère que nous pourrons éduquer les buveurs intensifs qui pensent tenir l’alcool ou y être tolérants. (…) Ces buveurs excessifs représentent la majeure partie du fardeau des accidents et des blessures liés à l'alcool dans la société. Cela peut être évité », conclut-elle.
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