C'est une nouvelle preuve de la mauvaise santé mentale des jeunes dans le sillage de la pandémie de Covid-19 que livre le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (BEH) de ce 4 juillet : les hospitalisations pour tentative de suicide (HTS) chez les 11-24 ans sur la période 2020-2021 ont augmenté après le deuxième confinement pour atteindre un niveau significativement supérieur à la moyenne de 2017-2019.
« L’incidence des tentatives de suicide est un indicateur important car il reflète une dégradation de la santé mentale n’ayant pas pour autant abouti au décès. Les évolutions de cet indicateur pendant l’épidémie ont été moins documentées que la mortalité par suicide », lit-on en introduction, alors que son suivi régulier pourrait participer de la surveillance épidémiologique de la santé mentale.
Les chercheurs de Santé publique France (SPF) se sont appuyés sur le programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (PMSI-MCO), qui recueille les données relatives aux séjours dans tous les établissements de soins de courte durée.
Augmentation précoce chez les adolescentes
Pour les 10-19 ans, si les taux d'HTS pendant le premier confinement ont beaucoup fléchi, ils augmentent et dépassent significativement les niveaux de 2017-2019 dès la période du deuxième confinement (octobre à décembre 2020) pour les filles de 10 à 14 ans (avec un rapport de 1,18) et restent à un niveau élevé après (la période de l'étude allant jusqu’au 21 mai 2021). Pour les autres adolescents et jeunes adultes, ces taux augmentent début 2021 après le deuxième confinement, par rapport à 2017-2019 (avec un rapport de 1,24 pour les filles et de 1,12 pour les garçons).
Par ailleurs, début 2021, augmente chez les hommes,le recours à des modalités violentes de tentative de suicide (TS), marqueur d'intentionnalité et de dangerosité de l'acte suicidaire ainsi que facteur de risque de suicide ultérieur. C'est le cas aussi chez les femmes dès le deuxième confinement alors qu'elles ont moins recours à la violence habituellement.
Cette hausse des tentatives de suicide chez les jeunes rejoint d'autres constats faits en France, au Royaume-Uni, en Espagne, aux États-Unis, et « va dans le sens de l’existence d’un mal-être persistant chez les enfants et les jeunes adultes », interprètent les auteurs. Mal-être qui se traduit aussi par l'explosion des symptômes dépressifs (qui touche un quart des jeunes filles de 15 à 24 ans selon Epicov).
Selon les épidémiologistes, les mesures de restriction sociale ont « possiblement induit une sensation d’isolement préjudiciable pour la santé mentale des plus jeunes, groupe d’âge particulièrement exposé aux troubles psychopathologiques, à une étape charnière du développement de leur identité ». En outre, ils ont pu pâtir du stress de leur famille et avoir été davantage exposés à du harcèlement à travers les réseaux sociaux alors très utilisés.
Contraste avec une tendance générale à la baisse des TS
« Ces résultats alertent sur une atteinte du bien-être psychique et émotionnel des jeunes lors de la crise qui ne semble pas diminuer à moyen terme », insiste SPF. Le phénomène est d'autant plus criant qu'il contraste avec une diminution plus globale des tentatives de suicide dans le reste de la population.
Ainsi, en 2020, le taux estimé d’HTS tous âges confondus était de 13,3 pour 10 000 contre 14,8 en 2019 et 15,2 en 2018. En chiffres absolus, le nombre de passages à l'hôpital pour TS est passé de plus de 88 000 par an en 2017 à près de 78 000 en 2020. Il a même davantage diminué chez les femmes tous âges confondus, qui restent plus enclines à faire des TS que les hommes.
Cette diminution était particulièrement marquée lors du premier confinement : les taux d’HTS étaient inférieurs à ceux observés en moyenne entre 2017 et 2019 quel que soit le sexe, à l’exception des hommes de 75 ans et plus. Et ces taux sont restés inférieurs pour les personnes entre 35 et 85 ans.
S'il y a pu avoir à l'œuvre un biais dans le recensement des TS, eu égard à un moindre accès aux soins lors du premier confinement, les épidémiologistes rappellent la baisse réelle des idées suicidaires, liée au sentiment d'un destin commun, d'une diminution de la pression scolaire et du risque de stigmatisation, ou encore du renforcement des liens parents-enfants.
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