C’est une action contre le tabac en demi-teinte qu’a annoncé Élisabeth Borne le 3 septembre. Le gouvernement ne relèvera pas la fiscalité sur le tabac l’an prochain, mais le plan anti-tabac prévu sur la période 2023-2028 devrait comprendre une mesure d’interdiction des cigarettes électroniques jetables, les puffs, a promis la Première ministre.
« On a augmenté la fiscalité sur le tabac cette année et on ne prévoit pas de l'augmenter l'an prochain », a-t-elle expliqué au micro de « RTL », alors que le gouvernement boucle les budgets 2024. « Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas très vigilant sur la consommation du tabac (…) qui est repartie à la hausse », a-t-elle poursuivi. Et de rappeler les « 75 000 morts par an » lié au tabac, un chiffre « énorme » et « un enjeu important de santé publique ».
Mise « en danger » des récents efforts de santé publique
La mesure est pourtant plébiscitée par les acteurs de la lutte contre le tabagisme. L’association Alliance contre le tabac (ACT) dénonce, dans un communiqué, « l'incohérence du gouvernement ». Elle appelait, le 30 août, à une politique fiscale plus ambitieuse « fixant un objectif de prix (hors inflation) du paquet de cigarettes à 16 euros d’ici 2027 ». Alors que la hausse des prix des produits du tabac a permis d’abaisser la prévalence du tabagisme de 29,4 % en 2016 à 24 % en 2019, l’ACT craint qu’un renoncement ne mette « en danger les derniers efforts de santé publique ».
Pour Élisabeth Borne, la priorité est de cibler les jeunes auxquels les puffs « donnent de mauvaises habitudes ». Ces e-cigarettes à usage unique, au goût acidulé ou fruité et au design coloré, provoque « un réflexe, un geste auquel les jeunes s’habituent, a-t-elle déploré. C'est comme ça qu'ils vont vers du tabagisme et il faut arrêter cela ».
Populaires chez les adolescents, les puffs contiennent un certain nombre de bouffées pour un taux de nicotine compris entre 0 et 20 mg/ml. Arrivées en France fin 2021, elles sont vendues entre 8 et 12 euros chez les buralistes, sur des sites internet ou dans la grande distribution. Plusieurs pays européens comme l'Allemagne, la Belgique et l'Irlande ont déjà amorcé leur interdiction.
La puff, porte d’entrée vers le tabagisme
En France, une proposition de loi visant l’interdiction, déposée en novembre 2022, avait récolté en mai dernier les signatures de 63 députés de huit groupes politiques (hors LR et RN). François Braun, alors ministre de la Santé, s’était dit favorable à une interdiction des puffs, qui « amènent une partie jeune de notre population » vers le tabagisme. « J’y travaillerai avec les parlementaires, dans le cadre de la préparation du prochain plan tabac 2023-2028 », annonçait-il déjà.
Depuis 2022, l’ACT alerte sur une possible « épidémie pédiatrique de l’addiction à la nicotine ». Car, si la consommation de tabac devient moins courante chez les jeunes, l'usage de la cigarette électronique augmente. Selon la dernière enquête (mars 2023) de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), à l’âge de 17 ans, l’expérimentation est passée de 52,4% en 2017 à 56,9% en 2022 et l’usage quotidien a triplé, progressant de 1,9% à 6,2%.
En juillet 2022, 13% des adolescents de 13-16 ans avait déjà essayé la puff et 28% des utilisateurs d’e-cigarette avaient commencé avec la puff, selon un sondage réalisé pour ACT. L’Académie nationale de médecine décrit ainsi, dans un communiqué de février dernier, un « véritable piège particulièrement sournois tendu aux enfants et aux adolescents en vue de les entraîner vers une addiction aux produits du tabac ».
L’enjeu est aussi environnemental. Jetables et en plastique, les puffs contiennent aussi une batterie au lithium non recyclable.
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