Trop souvent abordées par le prisme masculin, les politiques publiques liées à la santé au travail - de la prévention à la reconnaissance des maladies professionnelles - doivent intégrer une « approche genrée » pour adapter les dispositifs et répondre à l’ensemble des besoins, préconise un rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat, rendu public le 28 juin.
Assorti de 23 recommandations, le document pointe d’abord un manque de données sexuées (répartition des arrêts maladie par sexe, suivi des services de prévention, par exemple) et leur sous-exploitation pour orienter les politiques publiques. Ce phénomène se traduit par une forme d’invisibilisation des spécificités féminines.
« Les postes de travail et les équipements – y compris les équipements de protection individuels (EPI) – sont basés sur les références anthropométriques d’un "homme moyen" », souligne la synthèse du rapport. Avant d’ajouter : « Les politiques publiques de prévention et de réparation des risques professionnels ont d’abord été pensées pour des travailleurs masculins et les risques liés aux métiers masculins. »
Des risques professionnels « invisibles et silencieux »
Cette invisibilisation passe par la nature de leurs expositions professionnelles. « Les femmes sont davantage affectées à des tâches dites plus fines mais qui, par leur répétition, leur rythme ou les contraintes professionnelles dans lesquelles elles sont effectuées, peuvent être très usantes », est-il expliqué. Ces « risques invisibles et silencieux, liés à une usure physique et psychique » sont différents de ceux des hommes « davantage exposés à des dangers visibles et engageant le pronostic vital (accidents, amiante…) ».
Les femmes comptent pour 60 % personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques (TMS), mais 75 % des TMS qui correspondent à un tableau de maladie professionnelle ne font pas l'objet de déclaration. Les femmes sont par ailleurs l’objet de trois fois plus de signalement de souffrance psychique et 20 % déclarent au moins un fait de violence (agression, harcèlement, violences sexistes et sexuelles) dans le cadre du travail dans l’année écoulée.
Dans les métiers du soin et du nettoyage, où les femmes sont surreprésentées, le port de charges lourdes, l’exposition à des produits cancérogènes, les horaires atypiques et les « exigences émotionnelles et organisationnelles fortes » impactent la santé. Travailler de nuit accroît par exemple de 26 % le risque de cancer du sein.
Pour une approche genrée
Les quatre rapportrices à l’origine du document plaident ainsi pour une « approche genrée » dans l’évaluation des risques professionnels et l’actualisation de la liste des critères de pénibilité, rappelant que « différencier n’est pas discriminer ». Elles préconisent aussi de faciliter la reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en maladie professionnelle.
Côté prévention, il s’agit d’adapter les mesures aux conditions de travail des femmes : postes et équipements adaptés, produits de nettoyage de substitution, interdiction des mono-brosses sur les sols amiantés, nombre minimum de soignants par patient… Les sénatrices souhaitent aussi contraindre les employeurs à mettre en place un « document unique d’évaluation des risques professionnels » genré.
Reconnaître l’endométriose en ALD
Un autre levier d’amélioration de la santé des femmes au travail repose sur la prise en compte de la santé sexuelle et reproductive, poursuivent-elles, déplorant la persistance d’une stigmatisation de la grossesse qui se traduit notamment par un non-recours à certains droits d’aménagement du temps et du poste de travail.
Sur ce « nouveau champ de conquêtes sociales pour les femmes », les sénatrices se positionnent pour des mesures d’adaptation spécifique lors d'un parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP) ou à la ménopause et appellent au classement de l'endométriose parmi les affections de longue durée (ALD), ce qui supprimerait le délai de carence lié aux arrêts maladie.
Elles exposent en revanche un dissensus sur l’instauration d’un « congé menstruel » sur le modèle espagnol pour les femmes souffrant de règles douloureuses. Si pour les rapportrices Laurence Cohen (PCF), Annick Jacquemet (UDI) et Marie-Pierre Richer (LR), « l'instauration d'un dispositif large pour "règles douloureuses" ne se justifie pas si une pathologie invalidante n'y est pas associée », la sénatrice Laurence Rossignol (PS) juge, elle, que « ce congé, dans des limites qui seraient définies par la loi, répond à un enjeu global de visibilisation des femmes au travail et d'égalité professionnelle ».
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