Avant la grossesse ou après l'accouchement, les indicateurs de la santé périnatale en Guadeloupe, Martinique et à la Réunion sont moins bons que ceux de la métropole, objective Santé publique France (SPF) dans le volet consacré aux départements et régions d'outre-mer (Drom) de son enquête nationale périnatale 2021 (ENP), publié ce 26 juin.
L'ENP-Drom 2021, menée en partenariat avec les agences régionales de santé (ARS) concernées, s'appuie sur des échantillons de 800 à 1 000 naissances par Drom ; les mères ont été interrogées à la maternité puis deux mois après l'accouchement, ce qui permet de comparer les résultats avec ceux de l'ENP-21 conduite en Hexagone. Les rapports concernant Mayotte et la Guyane seront publiés ultérieurement.
Obésité et tristesse des mères
Les facteurs de risque pendant la grossesse et à l'accouchement s'avèrent plus élevés dans les Drom qu'en métropole, dans un contexte de plus forte précarité :la part des ménages déclarant un revenu mensuel inférieur à 1 000 euros net était comprise entre 25,1 % et 33,4 %, contre 7,5 % dans l’Hexagone.
Préoccupante est la proportion de femmes présentant une obésité avant la grossesse : entre 22,1 % et 24,9 %, contre 14,4 % en France hexagonale.
Les données montrent par ailleurs une fécondité moins maîtrisée dans les territoires étudiés avec notamment une proportion de grossesses arrivées trop tôt ou non désirées, de 23,7 % à la Réunion, 28,6 % en Guadeloupe et de 32,8 % en Martinique, contre 16,6 % en France hexagonale.
L'ENP 2021 avait déjà été l'occasion d'alerter sur la santé mentale des nouvelles mères, alors que 16,7 % des femmes de métropole présentaient des symptômes d'une dépression du post-partum. Si la Martinique et la Réunion affichent une prévalence comparable, elle est multipliée par deux en Guadeloupe (30,6 %), deux mois après la naissance. Les femmes sont aussi 33,1 % à la Réunion à se sentir tristes ou déprimées pendant la grossesse, 33,9 % à la Guadeloupe, et 39,4 % à la Martinique, contre 25,6 % dans l'Hexagone.
« Avec ces chiffres, on a la sensation d'un effet domino », a souligné Gülen Ayhan Kancel, coordinatrice médicale du réseau Périnatalité de Guadeloupe, liant le contexte de précarité, les familles souvent monoparentales, la difficulté d'accès aux soins avec les problèmes de santé mentale, lors d'une conférence de presse en Guadeloupe. Et de souligner à quel point l'accès aux soins est important, y compris pour la santé mentale, « sujet tabou, particulièrement chez la femme enceinte, car il est communément admis qu'une femme enceinte est heureuse ».
Petits poids des enfants
Quant aux enfants, la part présentant un petit poids à la naissance (inférieur à 2 500 g) est plus élevée dans les Drom (entre 10,5 % à la Martinique et 12,4 % à la Réunion, contre 7,1 % en France hexagonale).
Par ailleurs, à deux mois, plus d’un enfant ultramarin sur trois dort dans le lit de ses parents contre environ un sur dix en Hexagone. Ceci, alors que les recommandations (Haute Autorité de santé, 2020) pour prévenir les morts subites préconisent de faire dormir les nourrissons les six premiers mois, certes dans la chambre des parents, mais dans un lit séparé et sur le dos.
De bons indicateurs pour l'allaitement et le tabac
Éclaircie dans le tableau : les femmes ultramarines sont moins nombreuses à déclarer une consommation de tabac au 3e trimestre de grossesse, de 3,9 % à 8,7 % dans les Drom, contre 12,2 % en Hexagone.
Et elles pratiquent davantage l'allaitement, non seulement à la maternité mais aussi sur le long terme alors que les arrêts sont souvent précoces en Hegaxone. Ainsi, en Guadeloupe, Martinique et à la Réunion, 82,6 % à 93,6 % des enfants étaient allaités de façon exclusive ou mixte à la maternité (contre 69,7 % dans l’Hexagone). À deux mois, ces prévalences étaient de 66,0 % à 76,1 %, contre 54,2 % dans l’Hexagone.
Une mortalité infantile préoccupante pour toute la France
Les auteurs de Santé publique France soulignent l'importance de ces indicateurs pour adapter les politiques publiques et les pratiques cliniques aux spécificités de ces départements.
Ils s'inscrivent dans une tendance plus large à la dégradation, du moins la stagnation, de la santé périnatale en France, au sujet de laquelle SPF avait déjà tiré le signal d'alarme. Les inquiétudes se concentrent notamment sur la mortalité infantile. Selon les dernières données de l'Insee, portant sur la France hors Mayotte et publiées en juin 2023, le taux de mortalité infantile est de 3,7 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2021 (soit 2 700 enfants de moins d'un an décédés). Un taux qui ne baisse plus depuis 2005 et qui est supérieur à la moyenne de l'Union européenne (3,3‰). Encore une fois, les Drom présente les pires indicateurs avec un taux de mortalité infantile qui s'élève en moyenne, à 7,7 ‰, et dans le détail, à 8,1 ‰ en Guadeloupe, 7,2 ‰ en Martinique et 6,7 ‰ à la Réunion.
La mortalité néonatale, avant 28 jours, a même augmenté entre 2014 et 2017, ce qu'avait déjà mis en lumière une étude française publiée dans « The Lancet » en 2022. Selon l'Insee, 74 % de la mortalité infantile est néonatale en 2021, contre 65 % en 2005. La mortalité néonatale précoce est même passée de 1,6 ‰ en 2005 à 1,9 ‰ en 2021.
Cela pourrait paradoxalement s'expliquer par les progrès de la médecine néonatale qui permet aux grands prématurés de survivre quelque temps après la naissance, mais aussi par la hausse de l'âge des femmes à la maternité et un nombre important de naissances multiples.
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie
L’orchestre symphonique des médecins de France donne un concert « émouvant » en hommage aux victimes du cancer du sein