Le dispositif de recontact des personnes hospitalisées à la suite d'une tentative de suicide (TS), VigilanS, diminue de 38 % le risque d'un nouveau passage à l'âge, rapporte Santé publique France à l'occasion de la journée mondiale de prévention du suicide, ce 10 septembre.
Lancé en 2015 dans le Nord-Pas-de-Calais, VigilanS est un dispositif qui consiste à recontacter régulièrement des patients ayant été hospitalisés pour une crise suicidaire. Dix à vingt jours après l'hospitalisation, une équipe de « vigilanseurs » les appelle ou, en cas d'échec, leur envoie des cartes postales. Sans oublier que tous se sont vu remettre une carte ressource avec un numéro à appeler en cas de besoin. La veille dure six mois, renouvelable, avec des comptes rendus envoyés au psychiatre ou au médecin traitant.
À la demande de la Direction générale de la santé, Santé publique France a mesuré son efficacité sur la période 2015-2017 dans les six premiers territoires l’ayant expérimenté : Nord-Pas-de-Calais, Bretagne, Haute et Basse-Normandie, Languedoc-Roussillon et Jura.
Efficacité identique selon le sexe et les antécédents de TS
L’évaluation a porté sur 23 146 patients ayant fait une tentative de suicide, dont la moitié a bénéficié du dispositif, et l'autre non. Leurs données, tirées des bases du système national des données de santé (SNDS) et/ou des bases de passage aux urgences (Oscour) ont été analysées sur une période d'un an.
Dans le premier groupe, 3 214 réitérations suicidaires ont été identifiées contre 5 014 pour les patients hors dispositif. Soit une diminution de 38 % du risque de réitération suicidaire (passage aux urgences ou hospitalisation pour tentative de suicide ou décès par suicide) dans les 12 mois suivant leur tentative de suicide chez les patients VigilanS. En outre, le groupe des patients recontactés déplore moins de décès (61) que le groupe hors dispositif (77). « C'est une diminution très significative, et pas si fréquente en matière de santé publique », analyse auprès du « Quotidien » le Pr Guillaume Vaiva*, co-fondateur du dispositif, pilote de la mission nationale VigilanS.
De plus, l’efficacité du dispositif est observée quel que soit le sexe et qu’il s’agisse de la première tentative de suicide (-37 %) ou d'une récidive (-39 %).
Un intérêt économique
Par ailleurs, VigilanS s'avère « rentable », d'un point de vue économique : investir un euro dans le dispositif permettrait d'économiser deux euros de coût de santé. En moyenne, 248 euros de coûts de santé seraient ainsi économisés pour chaque patient inclus dans VigilanS. « Ces estimations, basées sur des chiffres anciens, sont probablement sous-estimées. Un euro dans VigilanS économiserait plutôt sept euros », précise le Pr Vaiva.
En 2023, 32 centres VigilanS maillent l’ensemble des régions françaises, y compris les territoires d’outre-mer (Océan Indien, Antilles, Guyane). « D'ici à juillet 2024, tout le territoire devrait être couvert », ajoute le psychiatre. Pour la Dr Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France, « le suicide est évitable, sa prévention doit être une priorité. L’évaluation positive de VigilanS conforte les orientations de la stratégie nationale de prévention du suicide et doit pousser l’ensemble des acteurs à poursuivre les actions mises en place dans ce domaine », commente-t-elle dans un communiqué.
Un maillon de la stratégie globale
L'évaluation de ce programme de prévention (une réussite, en elle-même) devrait garantir sa pérennisation, espère le Pr Vaiva. Mais deux défis, au moins, demeurent : la fidélisation des « vigilanseurs », dont les équipes connaissent un fort turn-over (en raison de contrats temporaires ou de la difficulté même de la mission), et la généralisation d'un unique système de recueil des informations pour tous les centres. Le montant de l'enveloppe accordée au dispositif, débattu à l'automne dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), sera scruté avec intérêt par ses acteurs.
Outre le déploiement de VigilanS à toutes les régions, la stratégie de prévention du suicide repose sur un numéro national gratuit, le 3114, un site internet, et plusieurs associations ciblant des publics différents. Elle s'appuie aussi sur la société civile, à travers le déploiement de sentinelles formées et des secouristes en santé mentale. Sans oublier le programme Papageno de lutte contre la contagion suicidaire dans les médias et les réseaux sociaux, à travers une information basée sur les mots justes.
Même si le nombre de suicides tend à diminuer depuis 20 ans, on compte toujours près de 9 200 décès par suicide et environ 200 000 tentatives de suicide par an en France, un taux supérieur à la moyenne des autres pays de l'Union européenne. Depuis le début de la crise sanitaire, une hausse des tentatives de suicide a été observée chez les jeunes de moins de 25 ans ainsi qu'une augmentation des passages aux urgences pour pensées suicidaires, en population générale.
Une charte commune au bout du fil
Lors de cette journée internationale de prévention du suicide, sera signée une charte de valeurs communes entre le 3114 et plusieurs lignes d'écoute associatives (Croix Rouge Écoute, Nightline, Phare Enfants Parents, Solitud’écoute, SOS Amitié, SOS Crise, SOS Suicide Écoute et SOS Suicide Phénix), pour une meilleure coordination et cohérence entre les dispositifs. La confidentialité des appels et des échanges, la posture empathique, le principe de non-jugement, la disponibilité́ bienveillante et la gratuité des services constituent un socle éthique partagé.
* le Pr Guillaume Vaiva est également co-responsable scientifique du Centre national de ressources et de résilience (CN2R)
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