Suivre les complications au jour le jour grâce à une tablette connectée présente un vrai intérêt médical : la télésurveillance – utilisée assidûment – pourrait diminuer de moitié les risques de réhospitalisations à un an chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, selon une étude française publiée dans la revue ESC Heart Failure.
Menés par le service de cardiologie du CHU de Caen et l’Association pour l’amélioration de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque (Apric), en collaboration avec Amgen France et Normand’e-santé, ces travaux montrent également qu’une utilisation consciencieuse de la télésurveillance est corrélée à une baisse de 40 % du taux de mortalité à deux ans par rapport à des patients qui utiliseraient peu le dispositif.
Une IA pour identifier les risques de décompensation aiguë
Cette étude rétrospective observationnelle (2009-2016) a été conduite auprès de 659 patients normands, souffrant d’insuffisance cardiaque et télésuivis par sept services de cardiologie grâce au dispositif de suivi clinique à domicile (Scad).
Après une première hospitalisation, chaque patient se voyait proposer cette télésurveillance à domicile, initiée en Normandie depuis 2007. Quotidiennement, le patient devait renseigner, via une tablette connectée, des informations sur son état de santé et mode de vie. Poids, fréquence cardiaque, tension artérielle ou encore alimentation étaient ensuite analysés par une intelligence artificielle, capable de détecter en temps réel les risques de décompensation aiguë. En cas de doute, une alerte était générée automatiquement et envoyée à une infirmière spécialisée en insuffisance cardiaque, qui en fonction de la gravité, prenait contact avec le patient, son généraliste ou son cardiologue afin d'organiser une consultation rapide, voire une visite à l'hôpital.
Couplage avec les données du SNDS
Les chercheurs du CHU de Caen ont ainsi retracé le parcours des 659 patients, inclus depuis au moins trois mois dans ce dispositif de télésuivi, entre janvier 2009 et décembre 2016. Les données de mortalité et de réhospitalisations ont été relevées à 12 mois et cinq ans, en appariant les participants à la base de données du Système national des données de santé (SNDS). « Une première », selon les auteurs de l’étude.
Un an après, dans le détail, « les taux de réhospitalisations pour maladies cardiovasculaires sont passés de 79,4 % l'année précédant l'inscription à 41,1 % l'année suivante » et « de 52,8 % à 18,8 % pour les hospitalisations pour insuffisance cardiaque en particulier », souligne l’étude. Elle précise qu'« il convient d'être prudent dans l'interprétation de ces résultats, compte tenu de la nature observationnelle de l'étude ».
67 % des patients – en très grande majorité des hommes – ont reçu une alerte au cours des trois premiers mois. Sur les 2 228 alertes générées par la tablette, la moitié était la conséquence d’une prise de poids, 23 % d’une toux, 9 % d’un œdème. « La majorité des alertes ont été gérées dans les 24 heures, ce qui n'aurait pas été possible si le patient avait été obligé de sortir consulter un médecin lorsque ces événements se sont produits », constatent les chercheurs. Au total, 5,7 % des alertes envoyées à domicile ont conduit à une réhospitalisation dans la semaine, avec comme motifs principaux la dyspnée et une prise de poids.
Le télésuivi très régulier a un impact
Mais surtout, les chercheurs ont démontré une corrélation significative entre le recours élevé à la télésurveillance et les réhospitalisations toutes causes confondues, après avoir classé les patients en trois groupes : faibles utilisateurs, utilisateurs moyens et grands utilisateurs*. Chez les patients les plus assidus, le taux de réhospitalisation à un an était ainsi de 13,5 %, contre 27,8 % chez les plus faibles utilisateurs, soit une réduction de 51 %. Même constat, donc, pour la mortalité : après deux ans, 15,9 % des utilisateurs les plus réguliers étaient décédés, contre 26,8 % des patients les moins observants, soit une baisse de 40 %.
Les chercheurs ajoutent que « le taux de réadmission pour insuffisance cardiaque à un an chez les usagers moyens et forts (12,9 % et 13,5 %) est inférieur aux 20 % rapportés dans une étude observationnelle de tous les patients hospitalisés pour IC en France sur la même période ».
70 000 décès par an
« La télésurveillance éducative à domicile des patients insuffisants cardiaques après hospitalisation apporte des bénéfices cliniques à long terme en termes de réhospitalisation et de décès en situation réelle, selon le niveau d'utilisation du programme par le patient », résument les auteurs de l’étude. Ils précisent que la télésurveillance permet « d’éduquer les patients sur la façon de se surveiller et d'identifier les signes de détérioration clinique ».
Chaque année, l’insuffisance cardiaque provoque environ 160 000 hospitalisations et 70 000 décès. « La prise en charge des patients insuffisants cardiaques par les seuls services hospitaliers est coûteuse, compliquée à planifier et pas toujours efficace », constatent les auteurs, qui souhaitent poursuivre leurs travaux sur les impacts médicoéconomiques de la télésurveillance.
*Faible : niveau d'utilisation de la tablette inférieure à 66,7 % Moyen : niveau d'utilisation de la tablette compris entre 66,7 % et 87,5 % Fort : niveau d'utilisation de la tablette supérieur 87,5 %
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