Rééducation, troubles cognitifs, Parkinson, sédation...

Quand psychiatres, anesthésistes ou kinés utilisent la réalité virtuelle

Publié le 08/10/2018
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Soigner par la réalité virtuelle, et par le jeu, chercheurs et médecins y croient depuis longtemps. Dans les années 1990, cette technologie de simulation a commencé à être employée pour surmonter les phobies : peur du vide, de l’avion, d’être enfermé… Elle a été mise à l’épreuve pour aider les vétérans de l’armée américaine à surmonter le stress post-traumatique. Aujourd’hui, on y fait appel en anesthésie et pour surmonter la douleur.

Si, en quelques années, les applications de réalité virtuelle en médecine ont connu un engouement et des développements inattendus, c’est en partie grâce aux perspectives ouvertes… par le marché des jeux vidéo ! Son expansion a en effet contribué à la baisse du coût des équipements, à l’amélioration de leur ergonomie, à la montée en compétences des développeurs de séquences virtuelles, évolutions dont se sont emparés des médecins-chercheurs convaincus du potentiel thérapeutique offert par l’immersion d’un patient dans un environnement virtuel.

Réadaptation à la vie quotidienne

Régulièrement, des startups se créent, mêlant talents médicaux et informatiques, et les études cliniques se multiplient. Les derniers Trophées de la e-santé [1], début juillet, ont ainsi mis en valeur les projets de Covirtua Cognition et de Deepsen. La première s’est donnée pour mission d’aider les patients ayant des troubles cognitifs majeurs, après un AVC par exemple, à se réadapter à la vie de tous les jours. Elle vient d’annoncer une collaboration avec l'hôpital Henry Gabrielle (Hospices civils de Lyon), spécialisé dans la médecine physique et de réadaptation, pour concevoir de nouvelles activités de remédiation cognitive. Il s’agit d’aider les patients via des mises en situation virtuelle d’activités de la vie quotidienne : tâches domestiques, conduite en ville, courses dans un supermarché.

Chez Deepsen, la proposition thérapeutique est tout autre puisqu’elle développe une solution de sédation-analgésie par réalité virtuelle, en cours de validation, en association avec la Clinique chirurgicale Saint-Charles (à Lyon là aussi).

Dispositifs médicaux

Preuve du potentiel de la simulation et des jeux vidéo dans l’arsenal thérapeutique, une plateforme, curapy.com, offre désormais une série de programmes évalués et marqués dispositifs médicaux. Le premier jeu thérapeutique de la série, X-Torp, est né de la collaboration entre l’équipe universitaire CobTek [2] du Pr Philippe Robert, psychiatre au CHU de Nice, et la société Genious, conceptrice de la plateforme.

Validé cliniquement au CHU, cet exergame (contraction des termes anglais exercice et game) a un effet positif sur la motricité, la mémoire et le comportement des patients atteints de la maladie d’Alzheimer (mais n’a pas le pouvoir de guérir avertit le Pr Robert !). Il permet également au thérapeute de mesurer l’évolution de la maladie en enregistrant les résultats au fil du temps.

La société informatique a aussi mis ses compétences en commun avec l’expertise de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM) pour créer le laboratoire Brain e-novation dans le but de développer (et de commercialiser) des solutions numériques ciblées sur les troubles de la marche et de l’équilibre chez des patients atteints de maladie de Parkinson. Un premier jeu est issu de cette collaboration, qui contribue à la rééducation du membre supérieur des victimes d’AVC. D’autres ont suivi qui complètent peu à peu l’offre de curapy (qui s’est, depuis, ouverte aux professionnels libéraux et au grand public).

La réalité virtuelle produit « un environnement visuel et sonore qui trompe les sens et projette l’individu dans un univers créé de toutes pièces ». C’est ce qui a poussé l’équipe de KinéQuantum à l’adopter pour imaginer une solution innovante de bilan et de rééducation fonctionnelle. Tandis que les médecins anesthésistes d’Hypno VR (également diplômés en hypnose médicale) ou les concepteurs de Bliss (L’Effet papillon) y voient l’intérêt de diminuer le stress et l’anxiété des patients.

Les exemples d’applications se multipliant, on ne peut que partager la conviction de Philippe Menei, au CHU d'Angers, premier neurochirurgien au monde à avoir équipé ses patients d'un casque de réalité virtuelle pendant une opération éveillée du cerveau : « Les applications de la réalité virtuelle en médecine n'ont pour seule limite que l'imagination humaine ».

[1] https://www.universite-esante.com/laureats-des-trophees-de-la-e-sante-2…
[2] Cognition Behaviour Technology


Source : Le Quotidien du médecin: 9692