À Alep, des hôpitaux bombardés, le droit humanitaire bafoué

Par
Publié le 03/10/2016
alep

alep
Crédit photo : AFP

Le plus grand hôpital des quartiers rebelles d'Alep a été bombardé ce samedi 1er octobre, pour la deuxième fois cette semaine. Selon la Syrian American Medical Society (SAMS) qui la gère, deux barils d'explosifs ont frappé cette structure, la plus grande du secteur où vivent 250 000 personnes, dont 100 000 enfants. « Il y a des informations sur l'utilisation d'une bombe à fragmentation », indique Adham Sahloul, un responsable de cette ONG.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) fait état d'un mort. Et de 220 depuis le début de l'offensive militaire du régime syrien et de son allié russe sur Alep Est, le 22 septembre. Il ne resterait plus que 6 structures hospitalières dans les quartiers rebelles, selon la SAMS, 4 selon Médecins du monde (MDM), tandis que les réserves d'eau et de nourriture sont extrêmement basses. Le 20 septembre, quatre membres de l'équipe médicale de l'Union des organisations de secours et de soins médicaux (UOSSM) ont été tués dans l'attaque du centre médical de Khan Touman. Un cinquième membre, un infirmier, est décédé des suites de ses blessures quelques jours plus tard. 

L'ONU reconnaît que les habitants des quartiers devenus lignes de front subissent « la plus grave catastrophe humanitaire jamais vue en Syrie » ; « un niveau de sauvagerie qu'aucun humain ne devrait avoir à supporter », selon les mots de Stephen O'Brien, coordonnateur des secours d'urgence (OCHA) de l'ONU. Le conflit syrien a déjà fait 300 000 morts depuis 2011. Le président du Parlement européen Marin Schulz a condamné une « attaque abjecte contre l'hôpital d'Alep », la qualifiant de « crime de guerre ». Médecins sans frontières (MSF) a appelé Damas et Mouscou à mettre fin au « bain de sang ». 

L'attaque contre l'hôpital « ne vient que confirmer l'urgence absolue d'une cessation des hostilités à Alep et d'un accès des populations civiles à l'aide humanitaire » a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault. 

Une trentaine de médecins résistent, des « braves » selon MDM

« Nous, Médecins du Monde, sommes tous des Médecins d'Alep », s'écrie dans les colonnes du « Monde » MDM. « La trentaine de médecins héroïques qui ont survécu et qui sont restés est dans l'impossibilité d'exercer des soins adaptés. Les blessés affluent, emmenés par des proches ou par les volontaires des "casques blancs" qui à chaque bombardement se ruent pour les sortir des gravats et leur apporter les premiers secours », décrivent la présidente de MDM le Dr Françoise Sivignon, le Dr Gérard Pascal et Fyras Mawazini, responsables de la mission Syrie, et les membres Julien Bousac et Quentin Peiffer.

Sous leur plume, se lit un exercice impossible et dangereux de la médecine de guerre : des opérations réalisées à même le sol, des amputations de sauvetage sans anesthésie, le manque de médicaments, de poches de sang, d'appareils, d'électricité, d'essence, et la vie sous les bombes. « Ces médecins, ces braves, se résignent à sauver ceux qui ont le plus de chance de survivre pendant que d'autres meurent sous leurs yeux », écrit l'ONG, qui dénonce « une guerre qui ne respecte plus aucune règle », « une escalade de la violence qui se fait en toute impunité ». 

Multiplication des agressions contre les hôpitaux

De son côté, MSF a dénoncé la multiplication des agressions contre des hôpitaux en particulier en Syrie et au Yémen, un an après le bombardement de son hôpital à Kunduz, dans le nord de l'Afghanistan, où périrent 42 personnes, dont 14 personnels de santé. 

« Au cours de l'année écoulée, nous avons enregistré 77 attaques contre des établissements médicaux soutenus ou opérés par MSF en Syrie et au Yémen : c'est sans précédent. Les hôpitaux font désormais partie du champ de bataille », s'est insurgée dimanche 2 octobre à Kaboul la présidente de l'organisation Meinie Nicolai. « En Syrie, les attaques contre les centres médicaux accueillant des civils et contre les ambulances sont systématiques », poursuit-elle. 

Si la bavure de Kunduz a fait l'objet d'une enquête de la part de l'armée américaine, qui a reconnu une « erreur », la plupart de ces incidents meurtriers ne sont jamais suivis d'investigations, relève encore MSF. L'ONG est en cours de négociations avec les autorités pour reprendre son travail à l'hôpital de Kunduz. 


Source : lequotidiendumedecin.fr