À la tribune de l’Assemblée nationale, Bernard Cazeneuve, ministre du Budget, s’est félicité, au mois de janvier, de la sous-exécution de l’ONDAM 2013 qui a permis à l’Assurance-maladie d’économiser 1 milliard d’euros. Il aurait pu être encore plus triomphant car, en réalité, c’est 1,7 milliard d’euros d’économies qui a été réalisé. En effet, l’ONDAM 2013 avait été basé sur le résultat 2012 et non sur l’ONDAM voté. Or, à la fin de l’exercice 2012, il s’est avéré que 700 millions d’euros n’avaient pas été consommés. Avec ce « débasage », c’est bien 1,7 milliard d’économies en 2013 par rapport à la LFSS 2012 qui doit être comptabilisé. Et si on ajoute les 700 millions de l’exercice 2012, l’Assurance-maladie a économisé 2,4 milliards d’euros sur deux années…
Un beau résultat qui rend encore plus surréaliste ou plutôt irréaliste les débats actuels sur la lutte contre les abus et les fraudes pour lutter contre les déficits, point qui a été souligné par le président de la République dans sa conférence de presse du 14 janvier 2013. Si la lutte contre les fraudes et les abus est une nécessité, pour ne pas dire une obligation morale, ce n’est pas d’elle qu’il faut attendre un rétablissement des comptes.
Agir sur la structure
Ce qui plombe les finances de l’assurance-maladie – le déficit 2013 s’élève à 7,7 milliards d’euros –, c’est d’une part un effondrement des recettes pour cause d’augmentation continue du chômage et d’autre part, les coûts élevés de production des soins, les actes non pertinents et les redondants faute de coordination et de système d’information entre les professionnels de santé. En d’autres termes, c’est sur la structure du système qu’il faut agir. L’État et l’Assurance-maladie font de la gesticulation politique et médiatique autour du déremboursement des médicaments et des baisses tarifaires de telle ou telle profession médicale pour mieux masquer leur incapacité ou leur refus de s’attaquer au cœur du sujet.
Il faut être conscient que la dépense médicale courante est maîtrisée. L’image d’une France composée de 64 millions d’hypocondriaques est devenue fausse. La consommation de médicaments baisse depuis plusieurs années. En 2013, le marché du médicament devrait avoir reculé de 3 %, à la grande inquiétude des laboratoires. Le nombre de consultations a diminué de 1,6 % au grand dam, aussi, des syndicats de médecins. Tout se passe comme si, sous l’effet de la crise, les assurés avaient régulé, voire renoncé, à tout ou partie de la consommation médicale de confort.
Cherchez l’erreur
C’est sur la forteresse hospitalière que les efforts devraient être concentrés. Pendant que l’assurance-maladie engrangeait 1,7 milliard d’économies, les hôpitaux – financés par cette même Assurance-maladie – terminaient l’année avec un déficit global de 400 millions d’euros. Chercher l’erreur.
Cette distorsion provient d’une contradiction fondamentale dans les mécanismes budgétaires du système de santé. D’un coté, l’Assurance-maladie a une enveloppe budgétaire fermée (l’ONDAM) qu’elle a pour mission de ne pas dépasser, voire de ne pas consommer entièrement. De l’autre, les hôpitaux ont un système de financement – la fameuse tarification à l’activité (T2A) – qui les pousse à produire le plus possible pour recevoir des financements. Les hôpitaux sont dans une logique de « dépenser plus pour gagner plus » face à un financeur qui lui, doit, à tout prix, freiner les dépenses…
Et, si pour résoudre cette contradiction, on modifiait le système de financement des hôpitaux en leur attribuant une dotation budgétaire dynamique et responsabilisante ? Il ne s’agit pas de recréer le budget global de sinistre mémoire mais de doter les hôpitaux d’un budget fondé sur trois éléments :
- Une prévision – réaliste – quantitative et qualitative d’activités valorisées,
- Une évaluation des missions d’intérêt général,
- Le financement des investissements.
À la fin de l’exercice, si le budget n’a pas été entièrement consommé, une partie de ce « bénéfice » serait conservé par l’établissement pour une utilisation autonome, mais concertée avec l’ARS. À l’inverse, si le budget est dépassé, il appartiendrait à l’Agence régionale de déterminer si ce dépassement est justifié, par exemple par un surcroît d’activité non prévisible, ou s’il ne l’est pas et s’il résulte d’une mauvaise gestion. Dans le premier cas, le budget de l’année N+1 serait rebasé pour tenir compte du surcroît de charges. Dans le second cas, l’établissement reporterait son déficit sur le budget N+1 et devrait donc le résorber sans ressources nouvelles.
Ce mécanisme budgétaire serait dynamique parce qu’il inciterait les hôpitaux à une gestion efficace leur permettant – ce serait la carotte – de dégager des marges et responsabilisant parce qu’il les amènerait à assumer leur déficit. L’ensemble de la dotation budgétaire restant dans le cadre de l’ONDAM, le système serait cohérent et régulé.
Cette nouvelle logique budgétaire ne devrait pas dispenser d’une réflexion sur les coûts de production et sur la productivité à l’hôpital. Mais ceci est une autre affaire.
* Consultant
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie