« Choc », « contradiction », « confiscatoire » : les industriels du médicament en colère contre le PLFSS, le gouvernement lâche du lest

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Publié le 07/10/2022
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Crédit photo : Garo/Phanie

Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023 prévoit au moins 800 millions d’euros de baisses de prix sur le médicament, les industriels tricolores dénoncent un texte imposé « sans aucune concertation ».

Réunis au sein du G5 Santé*, les laboratoires pharmaceutiques français fustigent les quelque 1,1 milliard d'euros d’économies programmées l’an prochain dans le secteur – alliant baisses de prix, contribution et clause de sauvegarde. Un serrage de vis « en opposition totale avec les ambitions du président de la République annoncées lors du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 2021 », fulmine Didier Véron, président du G5. Globalement, l’enveloppe du médicament « va passer de 26,4 milliards en 2022 à 24,6 milliards en 2023 », déplore Didier Véron. Pour le G5, le PLFSS est aussi en contradiction avec le plan innovation santé 2030 et il remet en cause l’accord-cadre (sur les prix) avec le Comité économique des produits de Santé (CEPS).  

Impact sur l'innovation

Avec ces annonces, « il y a eu un vrai choc », abonde David Loew, directeur général d'Ipsen. « Avec l’inflation, pour certains produits, le coût de revient industriel est supérieur au prix de vente », ajoute Didier Véron, lançant la menace à peine voilée de « délocaliser en Chine pour produire à bas coût ou arrêter de commercialiser certains médicaments ». Depuis 2010, la part du médicament dans l’Ondam [objectif national de dépenses maladie] est passée de 14 % à 10 %, mettant en péril l’accès à l’innovation, alerte encore le G5.

Pour illustrer la situation, le consortium a présenté une étude portant sur 260 indications approuvées par l’Agence européenne du médicament entre 2017 et 2020. Résultat : « 37 % d’entre elles ne sont pas accessibles au patient français, 40 % en oncologie », regrette Éric Ducournau, DG de Pierre Fabre. Les raisons sont multiples : avis défavorable de la commission de la transparence (contrairement aux pays européens voisins), délais de fixation des prix extrêmement longs ou labos qui renoncent carrément à demander le remboursement…

Des appels d'offres qui ne passent pas

Deux articles du budget de la Sécu hérissent le G5. Le premier (article 30) instaure un nouveau « système de référencement » des médicaments de même visée thérapeutique par appel d’offres (liste en sus, liste ville, liste rétrocession). Un référencement qui répond à des critères de prix, de volume et de sécurité d’approvisionnement suffisant pour le marché français. La sélection sur la liste conditionnerait l'inscription au remboursement (les médicaments perdants étant déremboursés). Or, les industriels sont déjà convaincus que le critère de prix finira par l’emporter. « Est-ce qu’on veut délocaliser en Asie pour avoir des coûts de production moins élevés ou favoriser la France et l'Europe ? », alerte Olivier Laureau, président de Servier. Le G5 réclame un retrait immédiat de cette mesure du PLFSS.

Présent lors de la matinée d’échanges du G5, le député du Gard Philippe Berta (MoDem) a annoncé que son groupe parlementaire « déposerait un amendement pour la suppression des appels d’offres sur les médicaments ». Invité en clôture de l’évènement, François Braun a donné quelques gages aux industriels, promettant une « expérimentation » sur le sujet et une mission interministérielle sur le financement des produits de santé. « Nous avons entendu les inquiétudes des industriels et travaillons à des améliorations », temporise le ministre de la Santé.

« Confiscatoire »

Autre motif de courroux : l’article 29 qui introduit une nouvelle contribution financière pour les médicaments à « forte croissance et à chiffre d’affaires élevé », supérieur à 50 millions d’euros sur deux ans. Le PLFSS généralise ainsi la régulation opérée il y a plusieurs années sur les traitements onéreux de l’hépatite C. « Ce n’est pas supportable, ça devient confiscatoire pour certaines entreprises », redoute Didier Véron. « Ces choix sont faits au détriment du patient, on peut craindre des ruptures de stocks ou que des laboratoires aillent commercialiser dans d’autres pays, sans clause de sauvegarde qui capte toutes les capacités d’investissement », fulmine Olivier Laureau. Là encore, le gouvernement aurait acté une révision des modalités, allant dans le sens des industriels. 

Les laboratoires disposent de quelques semaines pour défendre leurs intérêts dans le cadre du débat parlementaire. L'examen à l'Assemblée nationale en séance publique doit démarrer le 20 octobre. 

* BioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa


Source : lequotidiendumedecin.fr