« Sujet insuffisamment connu de nos concitoyens », selon la ministre de la Santé Agnès Buzyn, alors que la France détient de « tristes records » de consommation de benzodiazépines et d’antibiotiques, le mésusage des médicaments est également trop peu appréhendé par les professionnels de santé. C’est l'un des constats des participants d'une rencontre organisée la semaine dernière par le collectif Bon usage du médicament.
Les mésusages touchent principalement les plus de 75 ans qui consomment en moyenne dix médicaments ou plus par jour. « C’est deux fois plus qu’il y a 20 ans et c’est le double de la consommation constatée dans les pays scandinaves » constate le Dr Dominique Bonnet-Zamponi, de l'observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique d’Ile-de-France (OMEDIT). Un plan d'actions apparaît d’autant plus nécessaire que 10 000 décès et plus de 130 000 hospitalisations seraient imputables chaque année à un mésusage des médicaments. 45 à 70 % de ces accidents seraient même « évitables », selon un rapport ministériel de 2013.
Prescriptions en surnombre ou en double
Pour la ministre de la Santé invitée à débattre du sujet, le bon usage des médicaments relève d’un « enjeu de régulation collective » et nécessite « une prise en compte de chacun des acteurs de la chaîne du médicament et des patients qu’il faut sensibiliser ». Les prescriptions en surnombre ou en double réclame un plus grand dialogue entre les acteurs du premier et du second recours. C’est justement la dynamique initiée par le collectif Bon usage du médicament, créé en 2015, qui regroupe des médecins (SFGG, CNPG et CSMF), des paramédicaux, des pharmaciens mais aussi des industriels et des complémentaires santé.
Une meilleure approche du mésusage implique aussi une plus grande compréhension du concept, parfois flou aux yeux des professionnels. La définition elle-même du mésusage, comme « l’utilisation intentionnelle, inappropriée d'un médicament ou d'un produit, non conforme à l'autorisation de mise sur le marché ou à l'enregistrement ainsi qu'aux recommandations de bonnes pratiques », « n’englobe pas toute la problématique, puisqu’elle néglige la notion d’abus ou les erreurs médicamenteuses (erreur dans la notice, dysfonctionnement dans la prise en charge) », reconnaît le Dr Bonnet-Zamponi.
Un coût entre 10 et 30 milliards d’euros
Comprendre les écarts entre les usages recommandés et les usages réels nécessite également une approche sociologique. « Il faut prendre en compte le contexte social des patients. Pour certains, les effets indésirables ne sont pas d’ordre médical. La prise de poids associée à un traitement peut être une cause de la non-observance. Prendre un traitement pendant un repas, temps social important, peut également poser problème », souligne Étienne Nouguez, chargé de recherche au CNRS.
Consultations et actes inutiles induits par des prescriptions, accidents et coûts induits par des interactions de molécules évitables… Les enjeux socio-économiques autour du mésusage des médicaments alertent enfin les professionnels du secteur. « On ne sait pas ce qui coûte le plus cher entre l’absence de médicament ou un mauvais médicament, explique Jean-Marc Aubert, patron de la DREES (ministère). La seule estimation disponible concerne le mauvais usage : son coût pour le système de santé est estimé entre 10 et 30 milliards d’euros par an. »
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