« Vous n’avez encore rien vu ». Avec le titre de ce film diffusé lors de ses premières universités d’été, le LEEM a voulu frapper les esprits. Pari réussi. Face à une salle comble (700 personnes), l’organisation patronale de l’industrie pharmaceutique a proposé un édifiant « happening » sur les révolutions en cours et les moyens de les accompagner.
Compréhension du génome humain, thérapies ciblées, biotechnologies, start-ups, big data, rôle clé des machines dans le diagnostic, le LEEM propose un scénario optimiste et appelle à un choc de conscience.
Intervenant lors de ces rencontres, l’économiste Paul Seabright calme un peu le jeu. Le numérique, qui promet de révolutionner le diagnostic et le soin ? « Depuis 15 ans, relève-t-il, son implantation progresse lentement, notamment en milieu hospitalier, et les établissements qui s’y sont convertis n’ont pas toujours de meilleurs résultats ». Les bactéries ? Elles mutent et résistent de mieux en mieux à des antibiotiques qui eux, n’évoluent guère. L’économiste n’hésite pas à bousculer son auditoire. « Imaginons un laboratoire qui découvre un médicament augmentant de plusieurs années l’espérance de survie dans un type de cancer, et qui lui rapporte beaucoup d’argent. S’il existe un biomarqueur de ce type d’affection ouvrant la voie à un traitement curatif, quel intérêt pour le labo de le découvrir ? » Douche froide assurée qui n’empêche pas de lancer la réflexion.
La (toute) puissance de l’intelligence artificielle
En oncologie, demain s’écrit aujourd’hui, explique Agnès Buzyn, présidente de l’Institut national du cancer (INCa). Les portefeuilles de produits en développement dans les laboratoires ne contiennent déjà presque plus de chimiothérapies conventionnelles. Ils regorgent en revanche de molécules issues de la recherche en thérapie cellulaire ou génique, d’anticorps monoclonaux, ou de protéines de fusion.
Le séquençage du génome permet l’analyse d’une tumeur avec l’aide d’un algorithme décisionnel. « Mais tout cela coûte cher, reconnaît Agnès Buzyn, d’autant que les décideurs ne sont pas les bénéficiaires ».
Autre tendance lourde, la médecine se fera bientôt en grande partie sans médecins (comme le prophétise aussi le Pr Guy Vallancien), ces derniers étant progressivement relégués au rang d’interface entre les patients et des machines « sachantes ». Aux États-Unis, IBM a déjà installé « Watson » dans plusieurs hôpitaux, un superordinateur capable de proposer aux équipes médicales des diagnostics et des pistes thérapeutiques.
Chamboule-tout
« Le colloque singulier va voler en éclats », prévient aussi Benoît Thieulin, président du conseil national du numérique. Mais les praticiens devraient tirer leur épingle du jeu digital. « Leur rôle pédagogique sera déterminant ». Leur capacité de décision aussi, fondé sur l’expérience accumulée. L’organisation même du système de soins devra être repensée pour intégrer la percée de l’ambulatoire, le développement de l’automédication, des protocoles de soins individualisés...
Les machines et objets connectés interviennent déjà partout. En Afrique de l’ouest, un opérateur téléphonique historique a pu venir en aide aux autorités de santé dans la lutte contre Ebola. En analysant les déplacements des abonnés, il a pu aider à prévoir la progression géographique du virus. « Pour rattraper le train de l’innovation, il ne s’agit plus d’adapter notre système, mais de le réinventer », suggère Patrick Errard. Une partie de chamboule-tout se dessine, à en croire les acteurs du secteur.
Le colloque singulier va voler en éclats
Benoît Thieulin, président du conseil national du numérique
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