En application de l’avenant 9, depuis le 1er avril, les libéraux pourront tirer parti financièrement de leurs prescriptions de médicaments biosimilaires, contre l'avis de l'Ordre des médecins. En effet, le texte signé en juillet dernier entre les syndicats de médecins libéraux et la Cnam prévoit un dispositif d'intéressement pour chaque molécule biosimilaire prescrite en ville, en dehors de celui de la rémunération sur objectif de santé publique (Rosp).
Et à la différence de la Rosp biosimilaire sur l’insuline glargine par exemple, cette prime n’est cette fois pas calculée en volume de boîtes, mais bien sur la différence de prix entre molécule biologique de référence et biosimilaire, 20 à 40 % moins cher que le princeps et générateur d’économie substantielle pour les comptes de la Sécu. Un mécanisme nouveau condamné par l’Ordre, qui a émis en septembre dernier un avis défavorable sur la prime biosimilaire. Mais, « malgré nos demandes cette disposition n’a pas été modifiée », s’émouvait le Cnom quelques jours avant l’entrée en application de la mesure. Et faute d'avoir été entendu, il a annoncé la semaine dernière le dépôt d’un recours en annulation auprès du Conseil d’État.
Brouiller la relation-patient
Un recours fondé sur un motif déontologique. Car en intégrant l’économie réalisée sur l'ordonnance directement dans le calcul d'une rémunération des médecins, l’Ordre voit dans cette mesure une opposition manifeste à l’article 24 du Code de déontologie médicale qui interdit aux praticiens « la sollicitation ou l'acceptation d'un avantage en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, pour une prescription ou un acte médical quelconque ».
En d’autres termes, « la rémunération versée par la Cnam sera directement accordée sur la base de prescriptions individuelles et son montant sera d’autant plus élevé que le prix du médicament sera cher », grince le Cnom, qui craint un mélange des genres. S’il admet que la question du prix des médicaments ne peut « être indifférente aux médecins », le conseil de l’Ordre estime toutefois que ces problématiques incombent « aux pouvoirs publics, sans brouiller la relation du médecin avec le patient ».
Économies dégagées
L’avenant 9 signé fin juillet prévoit effectivement que « l’intéressement versé au médecin (soit) basé sur une année pleine d'économies réalisées sur le coût d'un traitement ». Une somme mesurée comme « la différence entre le prix moyen d'une unité de substance active des médicaments bioréférents et celui des médicaments biosimilaires durant l'année de référence, multiplié par le nombre d'unités, en valeur médiane, délivrées annuellement pour le traitement d'un patient », détaille encore le texte publié au Journal officiel.
Une fois l’économie calculée pour chaque praticien et chaque patient, 30 % de la somme sera versée aux libéraux et 70 % à l’Assurance-maladie pour 2022 (versé en 2023), 20 % et 80 % pour 2023. Cinq molécules sont pour l’heure concernées en ville : étanercept, adalimumab, follitropine alfa, énoxaparine et insuline asparte. Le tériparatide, dont le générique a été commercialisé fin 2021, est finalement exclu du dispositif. Les initiations de traitement et l’augmentation des « switchs » des médicaments biologiques de références vers les biosimilaires sont récompensées par cette prime.
7 000 euros maximum
« La prime ne pourra dépasser 7 000 euros toute molécule confondue par médecin », précise toutefois l'avenant. Les médecins pourront même catégoriquement refuser de percevoir cet intéressement, via un simple courrier envoyé à la caisse primaire dont ils relèvent. Attention : « en cas de refus, le médecin renonce à la totalité de l'intéressement à la prescription de médicaments biosimilaires, pour toute la durée de la convention et pour toutes les molécules intégrées dans le dispositif », met en garde le texte.
À toutes fins utiles, la prescription de biosimilaires devra « respecter le libre choix du patient », précise l'avenant. À l’occasion de la commission paritaire nationale (CPN) le 23 mars, l’Assurance-maladie a d’ailleurs fait savoir qu’un flyer devra être remis par le médecin au patient lors d'un switch de molécule. Elle aussi annoncé que les médecins seront accompagnés dans ce dispositif sous la forme de visite de délégués de l'Assurance-maladie (DAM) et d'entretiens confraternels. Outre les généralistes, sont concernés les rhumatologues, les gastro-entérologues, les gynécologues et les endocrinologues.
Depuis 2018, la prescription de biosimilaire a généré un milliard d'euros d'économies, selon le Gers, l'entreprise de collecte de données fondée par les industriels. Seulement, 15 ans après la mise sur le marché du premier biosimilaire en France, le taux de pénétration en ville reste à la traîne : 27 % (contre plus de 70 % à l’hôpital). Bien loin de l'objectif de 80 % de molécules biologiques interchangées, visé par la stratégie nationale santé pour 2022.
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