Chahuté par trois ans de crise, le marché du médicament est pourtant bien parti pour maintenir sa croissance jusqu’en 2027, selon des projections réalisées début mars par le cabinet d'analyses Iqvia. À l’échelle de la planète, entre 2023 et 2027, la progression des produits de santé devrait tourner autour de 3 à 6 %, et ce « malgré un contexte encore très incertain », ponctué par des baisses de prix et la difficulté à implanter des innovations thérapeutiques en ville, souligne Stéphane Sclison, directeur associé d’Iqvia France et expert du marché du médicament.
Dans le détail, entre 2020 et 2027, l’impact du Covid se chiffrera à 497 milliards de dollars, dont 380 milliards pour la vente de vaccin et 120 milliards pour les traitements du coronavirus. Entre la baisse des infections saisonnières et les retards de diagnostics, les « perturbations liées au Covid » n'aurait fait chuter le marché que de quatre milliards de dollars, souligne Iqvia.
D’ici 2027, le marché mondial du médicament devrait atteindre le chiffre record de 1900 milliards de dollars, « mais avec des disparités de croissance très fortes en fonction des pays », précise Stéphane Sclison. La société projette une dynamique plus élevée pour les pays émergents : +8 à 9 % pour le Brésil ou l’Inde entre 2021 et 2026, contre +5 à 6 % pour la France ou le Royaume-Uni.
Sans surprise, c’est l’oncologie qui tire le marché vers le haut, avec un chiffre d’affaires mondial estimé de 377 milliards d’euros en 2026 (+13 à 16 %). Il est suivi, plus loin, par l’immunologie (CA estimé en 2026 à 177 milliards d’euros, +3 à 6 %), le diabète, (168 milliards d’euros, +3 à 6 %) et les maladies cardiovasculaires (126 milliards d’euros, +1 à 4 %). Des tendances bien ancrées, mais amenées à évoluer. D'ici à quatre ans, Iqvia parie ainsi sur une explosion du marché de l’obésité, avec une croissance estimée de 10 à 13 %. « Ces dernières années, les industriels étaient un peu monotâches autour de l’oncologie, mais il va y avoir d’énormes besoins sur la cardiologie, l’obésité et Alzheimer », anticipe Stéphane Sclison.
Les hospitaliers chahutent le marché
La France n’échappe pas à cette dynamique internationale. En 2022, les ventes de médicaments sur prescription ont bondi de 8,2 % pour atteindre près de 23 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Si la majorité des ordonnances délivrées en officine viennent toujours des libéraux, la part des ventes issues de prescriptions hospitalières frôle désormais les 44 %. « Le développement des consultations externes à l’hôpital est extrêmement fort et les délivrances augmentent de 13,3 % en 2022, contre 4,6 % pour les libéraux », note Stéphane Sclison.
Une différence qui résulte en partie de la crise de la démographie médicale en France. « Il y a désormais un afflux de patients à l’hôpital. Il suffit d’aller voir la fréquentation des salles d’attente des spécialistes à l’ouverture des hôpitaux », illustre l’expert. Des prescriptions hospitalières qui, contrairement aux idées reçues, « ne concernent pas obligatoirement les produits les plus chers », note Stéphane Sclison, qui précise qu’en termes de volumes « les classes les plus prescrites sont les IPP et les antihistaminiques ».
Les innovations ralenties
La crise du système de santé a aussi freiné le lancement de nouveaux médicaments ou leur prescription. Ainsi, les laboratoires « ont du mal à voir les professionnels de santé pour les informer », précise Stéphane Sclison. Conséquence, par rapport à la période pré-Covid, le « rythme d’adaptation des nouveaux produits a ralenti de 19 % », illustre-t-il ainsi.
En France, « les innovations ont du mal à rentrer sur le marché », abonde Elsa Duteil, directrice associée d’Iqvia France, spécialiste de l'accès au marché. Une lenteur en partie causée par les contraintes budgétaires, et ce depuis plusieurs années. Prix, retards administratifs, niveaux de preuve exigée en hausse. « Depuis 2018, plus de 50 % des produits ASMR III sont toujours en cours de négociation », souligne-t-elle, rappelant un écueil régulièrement mis en avant par l’industrie.
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