Malgré les campagnes de sensibilisation, les spots TV et la mise en place de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), l’Hexagone consomme 20 % d’antibiothérapies de plus que la moyenne européenne. L’immense majorité de ces traitements sont prescrits en premier recours – à 72 % par les médecins généralistes, selon des données de Santé publique France en 2021.
Dans ce contexte, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees, ministère) a interrogé plus de 1 500 généralistes de Provence-Alpes-Côte d’Azur et des Pays de la Loire entre avril et juillet 2021 (en partenariat avec les URPS et observatoires régionaux de la santé) au sujet de leurs perceptions de l’antibiorésistance et leurs prescriptions d’antibiotiques. La conclusion est sans appel : « un médecin généraliste libéral sur deux déclare avoir été confronté, au cours des trois derniers mois, à des problèmes d’antibiorésistance au sein de sa patientèle », souligne cette enquête.
Difficile de refuser
Pourtant très conscients du rôle que jouent leurs prescriptions sur le développement de souches résistantes, huit omnipraticiens sur dix admettent avoir du mal à refuser ces traitements aux patients demandeurs. Et près d’un généraliste sur deux (43 %) admet qu’il lui arrive de prescrire des antibiotiques à des malades qui n’en ont peut-être pas besoin. Or, « la quasi-totalité (96 %) sont confrontés à des patients leur réclamant un traitement antibiotique lors d’une infection virale », poursuit l’étude. Si les médecins traitants cèdent, c’est notamment par peur des répercussions médico-légales (18 %), crainte d’autant plus prégnante chez les confrères en zones sous-denses.
L'étude fait émerger trois profils de prescripteurs. On trouve d’un côté des généralistes plutôt jeunes – davantage de femmes – peu disposés à partager leurs décisions médicales avec le patient et qui se fient avant tout aux recommandations. Ce groupe – un quart des effectifs – accorde très peu de crédit à l’avis des patients « qu’il considère comme illégitime bien plus souvent ». Un deuxième groupe très minoritaire (7 %) rassemble des généralistes plus âgés, exerçant en solo et majoritairement des hommes, qui ont tendance à se fier à leur propre jugement. Ils prescrivent en moyenne plus d’antibiotiques que leurs confrères et sont davantage ouverts à la discussion avec le malade. Cette entité considère normal pour le patient de réclamer des antibiotiques. Enfin, le profil majoritaire de généralistes (68 %), modéré, réunit des praticiens « moyennement disposés à partager la décision avec les patients, discutant du choix du traitement avec eux, mais sans aller au-devant de leurs demandes d’antibiotiques », avance la Drees.
En 2020 enfin, deux tiers des généralistes déclarent avoir atteint l'objectifs cible de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) concernant les antibiotiques. Celui-ci correspond à la prescription d’antibiotiques dans 20 % des cas ou moins aux patients de 16 à 65 ans sans ALD et dont ils sont le médecin traitant.
Sur ces bases, la Drees estime « que des outils d’aide à la communication avec les patients et des formations seraient utiles » pour épauler les généralistes et les inciter à concilier au mieux « écoute des patients et enjeux médicaux ». Une campagne pédagogique de Santé publique France à destination des libéraux devrait être lancée dans le courant de l’année.
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