En raison notamment de la mondialisation de la production du médicament, la France subit ces dernières années une accélération du nombre de ruptures de stock. La disparition de produits suscite colère et incompréhension. Au cœur du sujet : la maîtrise des différentes étapes de fabrication et la gestion des risques industriels.
Alain Astier, responsable de la pharmacie hospitalière au CHU Henri Mondor (Créteil) ne mâche pas ses mots. « En bout de chaîne à l’hôpital, les ruptures de stock sont de plus en plus fréquentes, même à l’AP-HP. À l’heure actuelle, 30 produits majeurs ne sont pas disponibles parmi lesquels sept anticancéreux », déplore-t-il.
Pas moins de 96 pharmacies hospitalières en Europe seraient dans la même situation. Le pharmacien hospitalier interpelle donc directement les industriels : « Face au malade, que faire ? Diminuer les doses, substituer le produit par un autre que l’on sait d’avance plus toxique et moins approprié ? ». Alain Astier réclame la vérité sur l’ampleur de ce problème qu’il juge « trop fréquent et intolérable ».
Le nombre de ruptures de stock et de problèmes d’approvisionnement des médicaments a en effet été multiplié par dix depuis six ans. Pour Gaëtan Rudant, qui dirige l’inspection de l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM), la mondialisation des approvisionnements et en particulier les 80 % de principes actifs déjà produits hors d’Europe posent de lourdes difficultés.
Gestion de pénurie
Depuis longtemps, la Chine et l’Inde sont des fournisseurs incontournables. Avec la délocalisation des sites de fabrication des principes actifs, le principal défi pour l’ANSM consiste précisément à contrôler sans relâche les conditions de préparation de ces matières premières. « Les autorités américaines sont devenues des partenaires clés avec lesquels nous échangeons beaucoup d’informations car nous n’avons pas les moyens de tout contrôler aux quatre coins de la planète », explique Gaëtan Rudant (ANSM).
Ce dernier met en avant le plan de gestion de pénurie prévue dans la loi de santé (qui fera l’objet de décrets). Un dispositif qui reste toutefois à construire pour prévoir la coresponsabilité des industriels et des pouvoirs publics, souligne Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM, syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique.
Autre inquiétude pour l’approvisionnement des établissements : la radiation de produits de la liste en sus empêchant l’accès à certaines spécialités dès lors que les GHS ne permettront pas de les prendre en charge. Produits radiés, difficultés de passation des marchés publics avec les hôpitaux : les industriels invitent les pouvoirs publics à prendre aussi leur part de responsabilité.
Stocker en priorité
Jean-Pierre Paccioni, représentant la branche industrielle à l’Ordre national des pharmaciens, s’inquiète lui aussi. « 5 % des ruptures de stock sont déjà directement liées à l’approvisionnement en matières premières », prévient-il. Laurent Cadot, qui dirige l’entreprise de façonnage H2 Pharma va droit au but. « La recherche de matières premières cinq fois moins chères qu’en Europe doit nous interroger sur leur qualité et la régularité de livraison. Il devient difficile de conserver un an de stock pour garantir l’approvisionnement de certains antibiotiques » prévient-il.
Les experts s’accordent sur quelques pistes pour limiter et gérer au mieux ces pénuries, comme l’inscription de deux sources d’approvisionnement de principe actif dans les dossiers d’AMM, ou encore l’alerte immédiate des autorités afin de développer des alternatives thérapeutiques... lorsque cela est possible.
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