Amoxicilline, paracétamol : alors que les tensions d’approvisionnement se multiplient, des sénateurs ont réclamé une commission d’enquête parlementaire sur les pénuries de médicaments. Les élus du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste ont déposé une demande de résolution en ce sens à la commission des Affaires sociales « pour donner au Sénat les moyens d’enquêter » sur ces ruptures de stock.
Les parlementaires s’interrogent sur l'action de l'exécutif mais aussi sur la responsabilité des laboratoires. « Le démantèlement des savoir-faire s'accélère depuis les années 1980 où la France comptait près de 470 entreprises de production du médicament contre seulement 247 aujourd'hui », indique ainsi cette résolution portée par Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne.
« Réaction tardive et légère »
Parallèlement, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) réclame lui aussi une commission d’enquête, alors que les pénuries ont été multipliées par 30 en dix ans, selon le Sénat. Pour l’OTMeds, les parlementaires devront enquêter « sur la réalité de l'action gouvernementale menée depuis février 2020 en matière de production pharmaceutique locale » alors qu’Emmanuel Macron a promis de relocaliser des chaînes de production. L’Observatoire fustige « la réaction tardive et légère », « déconnectée de la réalité » de François Braun à l’égard des pénuries.
Depuis novembre en effet, l’Agence de sécurité du médicament alerte sur les tensions d’approvisionnement sur l'amoxicilline, le paracétamol et les formes pédiatriques de Doliprane.
La demande de paracétamol bondit
Épidémie de bronchiolite, de Covid et de grippe : la demande de paracétamol explose. De janvier à novembre, Sanofi a observé une augmentation de 47 % des requêtes de livraisons de Doliprane pédiatrique de la part des officines françaises. « Par ailleurs, nous avons constaté un besoin et une demande significativement plus élevée de Doliprane en 2022 – jusqu’à +40 % selon les formulations – par rapport aux années précédentes, même avant le Covid, et en particulier sur les derniers mois », confirme Sanofi au « Quotidien ».
Son concurrent Upsa – qui commercialise l’Efferalgan et le Dafalgan – précise lui aussi avoir doublé sa production de paracétamol pédiatrique depuis le début de l’année. Le laboratoire annonce « qu’au regard de l’importance et la soudaineté des ruptures actuelles » de Doliprane, il ne « pourra absorber l’ensemble des volumes actuellement en rupture ».
Interrogé vendredi sur BFMTV, le ministre de la Santé a mis en avant « un problème de distribution » et non de stock sur le paracétamol pédiatrique, évoquant « un mouvement social chez Sanofi ». Selon François Braun, le laboratoire n’aurait « fourni la semaine dernière que 30 % de ce qu’il fournit d’habitude ». Sanofi a souligné de son côté que le mouvement social dans le groupe n'impactait pas les sites produisant cet antalgique, reconnaissant quelques ralentissements sur un des sites de distribution en France, mais pas de nature à créer des pénuries en pharmacie.
Effet domino ?
Quid des tensions d’approvisionnement sur l’amoxicilline ? Là aussi, le ministre s’est voulu rassurant, évoquant « des alternatives antibiotiques ».
Pourtant, l’Académie de pharmacie craint désormais un « effet domino ». Mercredi dernier, les académiciens ont alerté sur « des tensions à venir sur d’autres antibiotiques prescrits comme alternatives ». Ils fustigent les « lacunes dans l’organisation française » et le manque d’anticipation des labos. « Les prévisions de consommation ont largement reposé sur les données de 2020 et 2021, alors que le marché global aurait dû être apprécié par rapport au niveau d’avant la Covid », recadre l’Académie.
Ce défaut d’anticipation sur l'amoxicilline pourrait, à terme, s’étendre à de nombreuses classes thérapeutiques. « Pour les médicaments tombés dans le domaine public, chaque industriel apprécie seul les quantités à produire (...) aucun acteur n’a une vision globale du marché ». Or, dans un contexte d’inflation et de crise énergétique, « les médicaments anciens comportent des risques d’arrêts de commercialisation ».
Aussi, l’Académie de pharmacie réclame la création d’un observatoire public des médicaments, seule solution, selon elle, pour « anticiper les besoins ».
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