Un collectif de vingt-six médecins et professeurs hospitaliers* se sont inquiétés, dans une tribune publiée ce dimanche dans « le JDD », de récentes pénuries de médicaments, et ont appelé à imposer aux laboratoires la constitution de stocks pour les remèdes les plus cruciaux.
« Très rares il y a une dizaine d'années, les pénuries de médicaments se multiplient », affirment les 26 signataires, qui s'inquiètent que 868 « signalements de tensions ou de ruptures d'approvisionnement » aient été relevés en 2018 dans les hôpitaux, soit « vingt fois plus qu’en 2008 ».
Les malades, les premières victimes
Or « les malades sont les premières victimes » de ces pénuries concernant « des médicaments du cancer, des antibiotiques, des corticoïdes, des vaccins, des traitements de l'hypertension, des maladies cardiaques, du système nerveux... », ajoutent-ils. « Ces pénuries ne touchent pas les très chères innovations thérapeutiques mais des médicaments peu coûteux qui, bien qu'anciens et tombés dans le domaine public, constituent toujours l'essentiel de la pharmacopée. »
Selon une enquête réalisée fin 2018 par l'institut BVA, un quart des Français ont déjà été confrontés à une pénurie de médicaments, et 56 % d'entre eux en attribuent la raison aux industriels du médicament mais aussi mettent en cause les pouvoirs publics et les grossistes répartiteurs.
Si les Prs Jean-Paul Vernant, André Grimaldi et le collectif de médecins hospitaliers signataires saluent les mesures mises en place ces dernières années, notamment l'obligation imposée aux laboratoires pharmaceutiques de mettre en place des plans de gestion des pénuries, ils estiment que « l’efficacité de ces mesures apparaît jusqu’alors dérisoire (...) Ces plans visent à gérer les pénuries et non à les prévenir ».
Dans leur tribune publiée dans « le Journal du Dimanche », les signataires font trois propositions. Que soient imposées aux laboratoires pharmaceutiques titulaires de l'autorisation de mise sur le marché « la constitution et la gestion de stocks » de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM). Que « soit rapatriée en Europe la production des principes actifs » et créé un « établissement pharmaceutique à but non lucratif, si possible européen ». Une telle structure permettra « de prévenir les pénuries et sera la garante de la qualité des médicaments et de prix justes et pérennes », assurent-ils.
Pas de solution unique, selon le LEEM
Les Entreprises du médicament (LEEM) ont réagi, ce lundi, au lendemain de la publication de la tribune. Les pénuries de médicaments sont des phénomènes « pour lesquels il n'y a pas une solution unique et simpliste ». « La difficulté, c'est qu'il s'agit de phénomènes multi-factoriels, pour lesquels il n'y a pas une solution unique et simpliste à mettre en œuvre », souligne Philippe Lamoureux, DG du LEEM. Il cite notamment « la croissance très importante de la demande mondiale », mais aussi « parfois un manque d'union au niveau européen ».
Aux trois propositions du collectif, dont il juge la première « intéressante », Philippe Lamoureux, préconise de s'accorder sur « une liste de médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique » sur lesquels porterait l'obligation de renforcement de stocks. Il avertit également qu'il faudra « probablement s'interroger sur le juste prix » du médicament. Concernant la relocalisation d'activité en Europe, il plaide pour la mise en place de plusieurs outils, par exemple fiscaux et ajoute qu'il n'est « pas sûr » qu'un opérateur public soit « mieux disant » qu'un opérateur privé pour s'approvisionner en matières premières.
* Jean-Paul Vernant, Gilles Montalescot, Véronique Leblond, Alain Astier, André Grimaldi, Philippe Grimbert, François Bricaire, Cécile Goujard, Richard Isnard, Jacques Young, Francis Berenbaum, Christine Katlama, Alain Fischer, Corinne Haioun, Thomas Papo, Joël Ménard, Eric Caumes, Louis Jean Couderc, Jean-Philippe Spano, François Boué, Anne Gervais, André Baruchel, Sophie Crozier, Pierre-Marie Girard, Xavier Mariette, Didier Bouscary.
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