Alors qu’une commission d’enquête sénatoriale est en cours sur les pénuries de médicaments, les représentants des associations de patients fustigent « le chantage au prix » exercé par certains laboratoires pharmaceutiques. Dans un communiqué au vitriol, France Assos Santé déplore des ruptures de stocks « terrifiantes ». « Notre baromètre sur le droit des malades pour 2023 montre que 37 % des Français ont été confrontés à une pénurie de médicaments en pharmacie ! », martèle la fédération. En 2022, 3 500 molécules ont été signalées en tension, contre 600 en 2016.
Pour la fédération des usagers de santé, auditionnée par le Sénat, les labos hors des clous doivent être pénalisés. « Nous réclamons que soient enfin appliquées les sanctions prévues pour ceux qui persistent à enfreindre la loi notamment concernant la constitution de stock de sécurité ou d’information préalable des autorités », plaide France Assos Santé. Depuis 2021, les laboratoires ont l'obligation de constituer des réserves de deux à quatre mois pour certaines molécules.
« Opacité » sur les prix ?
France Assos Santé cible l'attitude des industriels qui, de leur côté, pointent du doigt les baisses de prix sur les médicaments, à chaque loi de financement de la Sécu. Des coups de rabots répétés qui conduiraient à des tensions d’approvisionnement, voire à pousser les industriels à quitter la France vers des marchés plus favorables.
Un « chantage » pour France Assos Santé, estimant que ce n’est pas au patient « de supporter de nouvelles augmentations de prix ». D’autant que les citoyens ne connaissent pas « les prix nets des médicaments payés par la solidarité nationale puisque seuls les prix faciaux sont publics ». France Assos Santé dénonce une « opacité » tarifaire, « entretenue avec la complicité des États » et réclame plus de transparence sur le coût des médicaments.
Début février, le ministre de la Santé avait concédé des hausses ciblées de prix de médicaments « en contrepartie d'engagements des industriels sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français ». Selon l'exécutif, ces augmentations devraient inciter les fabricants à produire en France.
Médicaments critiques
« Nous avons dit aux industriels "plus jamais ça !" », a assuré François Braun ce lundi matin sur « BFM TV ». Interrogé sur la flambée des ruptures d’amoxicilline et de paracétamol cet hiver, le ministre a annoncé qu’il ne « s’interdisait pas de faire des stocks de ces médicaments l’hiver prochain ». Un stock d’État – « qui existe déjà pour certains médicaments en cas de risques biologiques graves, de risque nucléaire », précise le ministre – et qui pourrait être activé « si les industriels ne peuvent nous garantir l’approvisionnement de ces produits en volume ». Le plan de Ségur prévoit également un plan blanc du médicament, activable en cas de situation exceptionnelle.
Le ministre de la Santé a aussi promis, pour la fin mai, une liste de 200 médicaments « essentiels et critiques, dont nous devrons disposer en permanence ». L'objectif est de piloter au plus près la disponibilité de chacune de ces molécules.
La réforme européenne prend du retard
En parallèle, l’Europe planche sur une réforme destinée à améliorer la disponibilité des médicaments et à les rendre plus abordables. La proposition – dont une version a fuité en février – vise à réduire la période pendant laquelle une entreprise jouit de l'exclusivité sur un médicament. La Commission européenne prévoyait dans la version provisoire de la réforme de réduire de dix à huit ans la période de protection des données et d'exclusivité commerciale sur un médicament, pendant laquelle la mise sur le marché de génériques, moins chers, est impossible.
Mais l’examen de cette réforme cumule les retards suscitant l'inquiétude d'eurodéputés et des ONG face au lobbying de l'industrie. La proposition sera présentée le 26 avril, assure désormais la Commission européenne, après plusieurs reports. « Consternée » par ces retards, l'eurodéputée française Véronique Trillet-Lenoir (Renew Europe, centristes et libéraux) déplore « une asymétrie d'influence » entre l'industrie et la voix des patients. « Il y a des pénuries de médicaments partout dans l'UE, tempête-t-elle, des porteurs de maladies rares et des enfants qui attendent de nouveaux médicaments. »
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