Depuis le mois de septembre 2016, François Couchouron ne commercialise plus en libre service les médicaments contre le rhume contenant de la pseudoéphédrine. Le pharmacien, installé a Bordeaux, a placardé une affiche dans son officine pour alerter les patients : « Stop à la pseudoéphédrine. Un rhume ne vaut pas un accident cardiovasculaire. »
Il a pris cette décision radicale en son âme et conscience, sans attendre, dit-il, « une hypothétique décision de retrait du marché » par les autorités sanitaires. Il précise cependant qu’il ne refuse pas la délivrance sur prescription.
François Couchouron a expliqué son choix dans un courrier (voir ci-dessous) publié dans le forum de « Prescrire » du mois de janvier. La revue médicale demandait dès 2009 aux pharmacies de bannir ces produits. « Les risques, lors de la prise de ces médicaments, sont trop grands. Les effets indésirables graves, avance-t-il, sont sous-déclarés à la pharmacovigilance. »
Le professionnel s'appuie sur les résultats de pharmacovigilance. Il rappelle que plusieurs mises en garde ont été émises depuis 2008 par les autorités sanitaires qui ont relevé des effets indésirables cardiologiques et neurologiques rares, mais très graves. La question de réserver à la prescription ces spécialités administrées par voie orale s’est d’ailleurs posée au sein de la commission nationale de pharmacovigilance. C'est ce que réclame l'Académie de médecine depuis juin 2015.
Les confrères égratignés
« J’ai déjà vu deux patients coronariens qui ont fini en soins intensifs », confie François Couchouron qui dit vouloir « éviter l’évitable », reprenant une formule de « Prescrire ». « Je me sens mieux de ne pas vendre ces médicaments, d’autant plus qu’il existe des alternatives », précise-t-il au « Quotidien ».
Le pharmacien pointe du doigt les risques liés l'usage de ces médicaments en vente libre, quitte à égratigner ses confrères. « Il y a des précautions à prendre, des questions à poser aux patients, des conseils à prodiguer... et ce n’est pas toujours fait », reconnaît-il, même s’il avoue qu’il ne faut pas généraliser. Dans une note destinée aux professionnels diffusée en 2011, l’ANSM (à l’époque l’AFSSAPS) rappelait les risques liés aux vasoconstricteurs et s’alarmait de leur mésusage par les patients dans 25 % des cas (durée de traitement supérieure à 5 jours, non-respect des contre-indications…).
L’objectif est aussi d’interpeller les pouvoirs publics sur la question et « ne pas attendre des catastrophes pour que des mises en garde soient prises en compte », insiste François Couchouron.
Un franc-tireur qui s’expose à des sanctions ?
L’initiative a été saluée par plusieurs médecins sur Twitter, qui y voient une démarche « courageuse ». Mais elle a aussi froissé certains professionnels qui lui reprochent de jouer les francs-tireurs. Tous les médicaments présentent des risques, pourquoi écarter celui-ci et pas un autre ? « Je n’ai pas la prétention de revoir toute la pharmacopée française, de mener un combat contre tous les médicaments dangereux, répond François Couchouron. Je fais au mieux pour mes patients. »
Sa démarche n’a en tout cas rien d’illégitime aux yeux d’Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre national des pharmaciens. « Il est parfaitement libre de refuser de délivrer ce médicament. Cela rentre dans le cadre de sa mission de conseil, précise-t-elle. Il serait sanctionnable s’il refusait de le faire en cas de prescription. »
Isabelle Adenot approuve-t-elle la démarche de son confrère ? « Je suis surprise par ce battage médiatique car c’est ce que nous faisons au jour le jour. Il y a des tas de produits que nous ne référençons pas ! »
François Couchouron avoue lui aussi être surpris par la médiatisation de sa démarche. Mais il l’assume. « Je sais que de nombreux confrères sont d’accord avec moi mais hésitent à franchir le pas. Si mon initiative peut les décider, tant mieux. C’est avant tout dans l’intérêt des patients. »
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