Anticancéreux, antiépileptiques, anesthésiques… Depuis le 1er septembre, tous les laboratoires doivent désormais constituer des stocks d’au moins deux mois de chaque médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) commercialisé dans l'Hexagone. « L'obligation de disposer de stocks de sécurité permet d'anticiper plus efficacement les risques de ruptures et d'améliorer leur disponibilité pour les patients », justifie l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Cette mesure s’inscrit dans la feuille de route ministérielle annoncée il y a trois ans pour lutter contre les pénuries de médicaments. En pratique, chaque labo doit disposer de l’équivalent de deux mois de stocks de MITM, « calculé sur la base du volume des ventes en France de la spécialité au cours des douze derniers mois », précise le décret d'application. Ce volume peut être réduit à un mois pour certaines spécialités pour lesquelles la durée de conservation est incompatible avec ce délai. À l’inverse, l’Agence pourra décider d’augmenter le stock de sécurité à quatre mois « pour certains MITM s'ils ont fait l'objet de ruptures ou de risques de ruptures de stock réguliers dans les deux dernières années ».
Flux tendus
La constitution obligatoire d'un stock de deux mois est une première européenne. Lors de la publication du décret, le ministère de la Santé avait d’ailleurs salué la mesure, évoquant une « avancée majeure ». « Avant même le décret, beaucoup d’entreprises constituaient déjà des stocks, pour être en mesure d’assurer les problématiques de tension d'approvisionnement », tempère Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques au Leem (Les entreprises du médicament).
Si pour certains laboratoires, cette obligation ne changera pas vraiment la donne, pour d’autres, la situation risque d’être plus ardue, « par exemple lorsqu’il s’agit de production de vaccins, car — indépendamment du Covid — la chaîne de production vaccinale fonctionne à flux tendu. Et la mise en place de nouvelles chaînes pour ces produits biologiques est longue et coûteuse », illustre Thomas Borel. Selon lui, la constitution de stocks devrait tout de même « améliorer la disponibilité de certains produits ».
Les MITM constituent près de 50 % de la pharmacopée française. S’il y a fort à parier que les médicaments cardiovasculaires, du système nerveux ou anticancéreux — particulièrement exposés aux ruptures — seront concernés par ce stock de sécurité, la liste exacte des spécialités doit encore être établie par l’ANSM. Une publication est attendue pour le mois d’octobre.
Relocalisations
En France de manière générale, 21 % des ruptures de stock concernent des anti-infectieux, 19 % des médicaments du système nerveux et 14 % des anticancéreux. L'an passé, l'ANSM a enregistré 2 446 signalements de ruptures de stock (ou de risques) contre 1 504 signalements en 2019. Et depuis mai 2020,140 MITM ont été effectivement en rupture ou en tension, soit 1 % des médicaments commercialisés.
Le 3 septembre, la ministre déléguée à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, a salué l'entrée en vigueur de ces mesures. « Le deuxième étage de la fusée, c'est d'augmenter les productions de médicaments en France », a-t-elle ajouté. « Entre 2005 et 2015, la part de marché des productions de médicaments françaises au plan mondial a été divisée par deux », a admis la ministre, qui mise sur le plan de relance pour financer déjà plus d'une centaine de relocalisations de chaînes de production.
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