Si de nombreuses publications dans de prestigieuses revues scientifiques impliquent le microbiote dans un large panel de pathologies, la seule application pour l’heure validée est celle de la transplantation fécale en traitement des infections à C. Difficile (ICD) multirécidivantes.
« Le traitement des infections récidivantes à Clostridium difficile représente, à ce jour, la seule indication pour laquelle des données relativement bien étayées sur l’efficacité de la transplantation du microbiote fécal existent », a rappelé l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) dans la mise à jour de son rapport sur l’encadrement des essais cliniques sur la transplantation de microbiote fécal. Au niveau réglementaire, cette actualisation des recommandations de 2014 allonge le délai entre le premier prélèvement fécal destiné au dépistage d’agents pathogènes éventuels, et le deuxième, destiné au receveur – ce délai passe de 7 à 14 jours. Ce délai doit également être respecté dans le cas de dons répétés. L’ANSM impose également la mise en place de contrôles supplémentaires chez les donneurs : recherche dans le sang d’amibiase et, dans les selles, d’entérocoques résistants aux glycopeptides et de Campylobacter sp, ainsi qu’un dépistage du cancer colorectal chez les donneurs de plus de 50 ans. L’agence insiste sur la nécessité d’un encadrement strict de la pratique : « En l’absence d’un rapport bénéfice/risque clairement établi, cette approche doit être réservée aux situations graves ou rares, en échec de traitement conventionnel et en l’absence d’alternative thérapeutique disponible et approprié. »
Reste que le microbiote fait l’objet d’une recherche florissante. Dans le paludisme, il semble qu’il puisse contrôler la crise palustre en induisant la production de certains anticorps naturels capables de neutraliser le parasite immédiatement après inoculation par le moustique. Le microbiote jouerait également un rôle dans la survenue de crises drépanocytaires via le recrutement de neutrophiles actifs. Et une souche particulière d’Escherichia coli permettrait d’éviter la cachexie, la fonte musculaire et adipeuse secondaires à une infection. De même, chez les grands brûlés, un déséquilibre du microbiote intestinal, pourrait favoriser les septicémies (Plos One, juillet 2015).
Maladies métaboliques
Toutefois les recherches portent sur l’implication du microbiote bien au-delà du domaine infectieux dans les pathologies métaboliques et dans l’obésité. Une étude européenne, avec l’Institut de Cardiométabolisme et de nutrition (ICAN) de la Pitié Salpêtrière (Paris), a validé chez des sujets obèses un modèle prédictif du régime alimentaire à adopter en fonction du microbiote. Une première étape vers la nutrition personnalisée
Un microbiome déficitaire en quatre bactéries (Faecali bacterium, Lachnospira, Rothia et Veillonella) à l’âge de trois mois (mais pas à un an) pourrait prédire le risque d’asthme, selon une étude menée sur 319 nouveau-nés (Science Translational Medicine, septembre 2015). La restauration de ces quatre bactéries intestinales dans un modèle murin a démontré leur rôle protecteur contre l’asthme. Une piste pour une prévention précoce par probiotiques.
Les maladies inflammatoires complexes comme la maladie de Crohn et certaines pathologies rhumatismales sont aussi des champs d’investigation. Ainsi, une étude menée chez des enfants ayant la maladie de Crohn révèle que le microbiote intestinal est différemment affecté par les antibiotiques, la thérapie anti-TNF et l’alimentation entérale. Les résultats ouvrent des pistes pour « surveiller ou prédire la maladie, ainsi que pour guider de nouvelles stratégies thérapeutiques fondées sur l’alimentation », explique le Dr Gary Wu, gastro-entérologue spécialiste du microbiote à l’Université de Pennsylvanie.
À l’instar de la maladie de Crohn, dans laquelle on a mis en évidence une dysbiose spécifique marquée par la disparition d’espèces bactériennes anti-inflammatoires, une meilleure caractérisation de la dysbiose associée aux rhumatismes inflammatoires pourrait permettre d’envisager des manipulations du microbiote à des fins thérapeutiques. Il a été observé que des rats transgéniques, qui développent spontanément une maladie inflammatoire associant des arthrites, une colite, des uvéites et une hyperkératose cutanée, restent pourtant asymptomatiques en milieu stérile. L’introduction de bactéries dans leur alimentation déclenche l’apparition du phénotype pathologique. En clinique, deux études récemment publiées ont révélé l’existence d’une dysbiose intestinale chez des patients atteints de spondylarthrite ankylosante, naïfs de traitement, et chez des patients présentant un rhumatisme psoriasique.
Rôle dans l’immunothérapie des cancers
Une équipe de l’IGR a mis en évidence que l’ipilimumab (anti CTLA-4 utilisé dans le mélanome métastatique) est efficace chez des souris atteintes de sarcomes qui ont une flore spécifiquement déplétée, mais pas avec une flore complètement absente. Ceci confirme l’observation que l’administration d’antibiotique compromet l’effet antitumoral de l’ipilimumab. De plus, une seule injection d’ipilimumab modifie le microbiote et entraîne une diminution des espèces Bacteroidales et Burkholderiales dans l’ARN fécal. Avec une supplémentation spécifique pour ces bactéries, les rongeurs traités par antibiotiques ou ayant une flore déplétée répondent à l’ipilimumab. Les chercheurs ont ensuite réalisé une transplantation fécale à partir de prélèvements venant d’individus ayant un mélanome métastatique et un statut pour Bacteroidales catégorisé. Les souris transplantées avec Bacteroidales fragilis (après déplétion préalabale de la flore) ont mieux répondu par ipilimumab que les autres.
Dans une autre étude, des chercheurs de l’Université de Chicago ont montré chez la souris que certaines bactéries du microbiote possèdent un effet antitumoral propre équivalent à celui des anti-PD1 et anti-PDL1. Ils montrent même une potentialisation des effets bénéfique de l’association de cette flore particulière aux anticorps anti PDL1. Les chercheurs ont constaté que le Bifidobacterium était près de 400 fois plus abondant chez ces souris.
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