Activité, exercice, ressenti : comment les généralistes ont vécu la crise et le confinement

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Publié le 29/05/2020

Crédit photo : S.Toubon

La DREES a analysé la situation et le vécu des médecins généralistes pendant la crise sanitaire. Dans deux études d'ampleur, les experts du ministère de la Santé ont sondé l'activité des médecins de famille et leurs opinions (perception des risques et de la gestion de l'épidémie). Cette double enquête flash a été menée du 9 au 21 avril, pendant le confinement, auprès d'un panel de 3 300 généralistes libéraux ayant au moins 200 patients médecin traitant. Les questions sur l'activité portaient sur la semaine précédant le questionnaire. Près de 1 200 médecins ont joué le jeu.

Baisse du temps de travail moyen de 13 % à 24 %

Premier enseignement : la quasi-totalité des généralistes libéraux (95 %) ont travaillé début avril, seuls 5 % étant totalement à l'arrêt (dont la moitié après avoir contracté le Covid !).

Enquête Res publica / « Le Quotidien du Médecin »
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Mais pour l'immense majorité (90 %) de ceux dont les cabinets étaient ouverts, le nombre d'heures travaillées a baissé par rapport à une semaine ordinaire. Plus de la moitié d'entre eux affirment avoir consulté dix heures de moins que d'habitude, sachant que le volume d'activité horaire moyen est de 54 heures. Au total, « la baisse du temps de travail moyen est estimée entre 13 % et 24 % » pour cette semaine d'activité précédant l'enquête.  

La réorganisation de leur pratique a été rapide et massive. Au cours de la première quinzaine d'avril, huit généralistes sur dix ont fait en sorte de pouvoir réaliser des consultations de diagnostic du Covid-19 par téléphone ; huit sur dix ont fait de même au cabinet (au prix de réaménagements internes) et sept sur dix ont misé aussi sur la téléconsultation, que ce soit pour le diagnostic ou pour la surveillance de patients concernés par le virus. Cette pratique à distance a même été adoptée par 90 % des moins de 50 ans et par 85 % des professionnels qui travaillent en groupe (vs 60 % pour ceux en solo). 

Quatre médecins sur dix indiquent avoir participé peu ou prou à une organisation territoriale ou à un centre dédié au Covid. Pour autant, l’orientation vers ces prises en charge ou structures est minoritaire, les médecins préférant se mobiliser « massivement individuellement pour répondre à l’épidémie ».

Malgré le risque lié à l'âge, ce sont les médecins de famille les plus âgés qui ont eu le plus recours aux visites : 40 % des moins de 50 ans déclarent rendre visite à leurs patients concernés par le Covid-19 pour le diagnostic ou la surveillance, contre 60 % pour les 50 ans et plus. En revanche, note la DREES, « plus l’épidémie est intense, moins le recours aux visites est important ».

Démarche proactive des MG vers les patients à risques

Mobilisés et réorganisés face au coronavirus, les médecins n'en ont pas fait le cœur de leur activité, loin s'en faut. Pour 63 % d'entre eux, les consultations Covid ont représenté moins d’un quart de leur travail. Seul un généraliste sur dix explique que le virus a constitué le motif principal de plus de la moitié de ses consultations. 

Tous les autres motifs de consultation ont néanmoins diminué sauf les demandes de soins liées à la santé mentale (stress, troubles anxieux ou dépressifs) qui ont augmenté pour plus de la moitié des généralistes.

Dans le détail, les consultations de suivi ou de renouvellement d'ordonnance de patients chroniques ont le plus souffert du confinement avec un recul de plus de 50 % pour six médecins sur dix. « Le renouvellement automatique des ordonnances en pharmacie [autorisé par le gouvernement, NDLR] explique en partie ce constat », précisent les experts. Mais l'étude cite aussi la baisse des suivis pédiatriques ou de grossesse.  

Pour maintenir le lien avec ces patients fragiles, la moitié des généralistes ont fait la démarche active de les contacter sans attendre un coup de fil de leur part, ce que recommandait le gouvernement.  « En tenant compte de ceux qui déclarent être directement contactés par leurs patients, 90 % des médecins déclarent ainsi être en contact avec leurs patients les plus à risque », assure la DREES. 

Flexibilité sur le temps de travail

Anticipant le déconfinement, sept médecins sur dix sont prêts à augmenter leur temps de travail (par rapport à une semaine ordinaire) en cas d'afflux de patients au cabinet. La moitié dit pouvoir travailler cinq heures hebdomadaire de plus, et près de 40 % entre entre 5 et 10 heures, ce qui démontre selon la DREES une « certaine flexibilité de la part d’une majorité des praticiens, quel que soit leur volume d’activité habituel ».

Interrogés par ailleurs sur leur perception de l'épidémie, seuls quatre médecins généralistes sur dix la jugent « particulièrement grave » (45 % chez les femmes, 38 % chez les hommes), contre sept personnes sur dix dans la population générale. Mais ils estiment à plus de 50 % le risque d'être contaminés lors d'une consultation. 

Le matériel de protection (masques, surblouses, solution hydroalcoolique et lunettes protectrices) faisait l'objet d'inquiétude mi-avril dans la profession. Lors des consultations, 60 % des généralistes estimaient « ne pas pouvoir se protéger efficacement » et un tiers d'entre eux craignait de contaminer des patients. Quatre professionnels sur dix ont recours au « système D » pour s'équiper, par exemple en sollicitant les ressources locales. 

Pourtant, au 21 avril, seul un généraliste sur six (17 %) avait effectué un test de dépistage, proportion variable selon le territoire, probablement en fonction des tests alors disponibles. De fait, un médecin sur deux ayant souhaité se faire dépister avait pu effectivement réaliser un test. 17 % précisent ne pas avoir eu accès aux tests du tout (faute de matériel). 

Des recos assez claires

Malgré leur regard critique sur la politique de distribution des matériel de protection, 60 % des généralistes du panel « font confiance » globalement au ministère de la Santé pour gérer l'épidémie. Même ci la confiance dans la stratégie de Ségur est ainsi majoritaire, l'étude précise que ce taux est plus bas que pour d'autres sujets sanitaires (le fait d'avoir des informations fiables sur le rapport bénéfices/risques des vaccins ou des médicaments par exemple), ce qui relativise cette adhésion à la gestion de crise.  

Deux tiers des généralistes apprécient du moins la clarté des recommandations officielles, même si la même proportion d'omnipraticiens pensent qu'elles changent trop souvent. Sans surprise, la quasi-totalité des généralistes (90 %) estiment que le confinement est efficace pour atténuer la propagation de l'épidémie. 

La DREES s'intéresse enfin à la polémique autour de l'hydroxychloroquine. Au niveau national, un quart des médecins déclarent avoir été mis en difficulté face à leurs patients en raison de cette controverse, et même la moitié en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.


Source : lequotidiendumedecin.fr