En Italie, la Calabre recrute des centaines de médecins cubains pour éviter la catastrophe

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Publié le 21/12/2022
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Crédit photo : AFP

Pas de médecins, pas d’argent et dix-huit hôpitaux fermés depuis 2010 : dans le sud du pays, en Calabre, la santé publique est aujourd'hui au bord du gouffre. Selon les derniers chiffres, la région serait endettée à hauteur de plus de 1,2 milliard d’euros. À l’origine de cette situation catastrophique, l’incurie des responsables politiques locaux et un système de santé gangrené par la mafia locale. À cela s’ajoute surtout la pénurie chronique de médecins, qui pèse sur toutes les régions italiennes mais qui atteint des proportions dramatiques dans cette partie du pays.  

Une étude réalisée par l’association des médecins cadres hospitaliers ANAAO-ASSOMED affirme que plus de 1400 praticiens manqueront à l’appel en Calabre d’ici à 2025. Plusieurs spécialités sont particulièrement touchées comme les urgences, la réanimation, la gynécologie, la chirurgie, la pédiatrie et la psychiatrie où de nombreux départs en retraite ne sont pas remplacés par manque de moyens.

Salaires, horaires, rien ne va

Autre problème récurrent : le manque de candidatures aux derniers concours de recrutement organisés par la Calabre. Pour attirer les soignants qui travaillent dans d’autres régions italiennes, les autorités ont bien proposé quelques avantages matériels, mais en vain. « Dans la région, les médecins n’ont tout simplement pas envie de travailler dans le service public et notamment aux urgences où les soignants sont régulièrement agressés par les patients. À cela s’ajoutent des salaires peu attractifs et des horaires massacrants », explique le journaliste scientifique Valerio Panettieri.

Pour éviter la fermeture de nouveaux établissements, la région de Calabre a décidé d’enrôler quelque 500 spécialistes cubains ! Un contrat de trois ans a été signé à l’ambassade de Cuba en Italie entre le gouverneur de la région de Calabre Roberto Occhiuto et l’agence gouvernementale cubaine Comercializadora de Servicios Medico cubanos (Csmc). Chaque médecin touchera un salaire brut mensuel de 4 700 euros mais devra en reverser la majeure partie au gouvernement cubain. Cette opération devrait coûter 28 millions par an  à la région.

Tir de barrage

L'accord a suscité une levée de boucliers dans le milieu médical italien. La Calabre se défend en rappelant qu’au plus fort de la pandémie de Covid déjà, une glorieuse brigade cubaine de 52 soignants avait débarqué en Lombardie pour aider les médecins en détresse. 

Il n'empêche : le syndicat des praticiens et des médecins cadres CIMO-FESMED a menacé de saisir le tribunal administratif régional. Quant à la fédération des médecins ANAAO, qui conteste également cette stratégie, elle estime que la triste « affaire des Cubains » pourrait « se dégonfler comme un soufflé ». De fait, les premiers praticiens sont attendus seulement… à la fin du mois d’octobre. « Il faut tenir compte de la bureaucratie, du contrôle des diplômes, des éventuelles équivalences et du niveau linguistique de nos confrères », recadre la fédération. 

D’autres régions italiennes s'intéressent pourtant au modèle calabrais pour faire venir des blouses blanches coûte que coûte et combattre la pénurie. Les Pouilles ont noué des contacts avec l'Albanie. Et la Sicile se tourne vers l’Argentine… 


Source : lequotidiendumedecin.fr