Formation continue, rien ne va plus ? Le président du Haut conseil claque la porte, les syndicats attaquent, la directrice de l'agence du DPC se défend

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Publié le 30/11/2020
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Crédit photo : DR

Nouvelles secousses sur le terrain sensible de la formation médicale continue. Nommé par Marisol Touraine en juillet 2016 à la présidence du Haut conseil du développement professionnel continu – instance qui exerce un rôle de conseil d’orientation scientifique et pédagogique au sein de l’agence nationale du DPC (ANDPC) – le Dr Jean-François Thébaut vient d'annoncer avec fracas sa démission, révélatrice des tensions qui traversent le secteur de la formation continue. Joint par « Le Quotidien », le cardiologue regrette le gâchis des quatre années passées à l'ANDPC « pour rien ». « Je n'ai pas réussi à faire porter mes idées sur la conception de ce que doit être le développement professionnel continu », confie-t-il, amer.

Dans un courrier adressé aux membres du Haut conseil, il critique ouvertement la gestion de l'agence du DPC. « Les objectifs de la direction de l'agence se résumaient à une gestion administrative, technique et bien sûr financière rigoureuse, ce qui se conçoit très bien puis qu’il s’agit d’argent public, mais dénuée de la vision prospective des enjeux de santé publique que pouvait porter un engagement vers la qualité des soins, la sécurité des patients et l’innovation des organisations territoriales », écrit-il.

Rigidité, conservatisme

Pis, la « rigidité des procédures » et « l’absence d’esprit d’initiative » de l'ANDPC pendant la crise du Covid-19 l'ont convaincu de l'inutilité de sa mission. Selon le cardiologue, l'agence a refusé de financer des programmes spécifiques à cette épidémie, considérant qu'elle n’avait « pas vocation » à soutenir des sessions qui ne faisaient pas partie des orientations prioritaires. 

Les syndicats de médecins libéraux, qui n'ont pas épargné cette « agence d'État » ces dernières années, ont profité de cette démission pour réclamer aussitôt un changement de cap. « Alors que les professionnels ont besoin de mettre en place l'exercice coordonné, d'appréhender des notions de santé publique, l'ANDPC s'arroge un rôle politique et un droit de regard sur les types de formation et les thèmes, critique le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. La démission du Dr Thébaut montre que les avis des instances qui pilotent le dispositif ne sont pas écoutés. » Le syndicat de généralistes réclame une remise à plat de la formation continue, qui doit « accompagner les médecins dans les évolutions de leur métier et de leurs compétences, avec agilité et pertinence ». MG France appelle de ses vœux un pilotage paritaire de la FMC en associant le ministère de la santé, l'Assurance-maladie et les syndicats.

Instance inefficace, peu agile, offre éloignée des besoins : le SML monte également au front pour dénoncer les « manquements » de l'agence. Il constate que moins de la moitié des médecins libéraux effectuent « moins de 10 heures de formation en moyenne par an au niveau de l’agence » et qu'aucune formation Covid-19 n’a été proposée en 2020… « La technostructure a pris le pas sur les professionnels de santé », résume-t-il. 

Résistance

Interrogée ce lundi par « Le Quotidien », Michèle Lenoir-Salfati, directrice de l'agence du DPC, dit « regretter » cette situation mais rappelle que le départ du Dr Thébaut correspond à une fin de mandat. Sur l'absence de prise en charge des formations Covid, elle précise qu'en mars les premières d'actions déposées ne faisaient pas partie des orientations prioritaires et ne relevaient pas du DPC. « Tout le monde veut que tout soit du DPC ! Ce n'est pas possible. Depuis, l'agence finance des actions sur le retour d'expérience sur le Covid », explique la directrice, soulignant que l'agence n'a pas les pouvoirs pour proposer des orientations prioritaires complémentaires.

Quant à l'absence d'écoute de la profession, elle s'en défend. « Depuis quatre ans, on a construit un dispositif qui a fait une place à la représentation professionnelle. Il y a vraiment une forme de résistance sur le fait que l'agence exécute les axes stratégiques qui lui sont d'abord donnés par les pouvoirs publics. ».

Tensions récurrentes 

Le pilotage de l'ANDPC est contesté de manière récurrente. En juillet, six organismes historiques de formation continue des médecins avaient refusé de répondre à un appel d’offres autour du thème du repérage des troubles cognitifs de la personne âgée, au motif que le cadre de l'appel d’offres de type marché public serait « rigide, appauvrissant l'offre », avec un risque de brader la formation. 

Toujours en juillet, le Collège de médecine générale (CMG), la conférence des doyens de médecine, le conseil de l'Ordre des médecins (CNOM) et la Fédération des spécialités médicales (FSM) avaient adressé un courrier au ministre pour l'alerter sur la tentation de l'agence d'outrepasser ses prérogatives dans le cadre de la recertification…

En juillet 2019, la Cour des comptes avait étrillé cette agence dans un rapport au vitriol, pointant les contrôles « lacunaires » et le cadre « inopérant ».


Source : lequotidiendumedecin.fr