« Perte de repères » des managers, « désarroi » face à la montée des violences et des agressions « quotidiennes », « découragement qui guette » au regard de l'étau financier dans lequel sont pris nombre d'établissements publics… Les directeurs d'hôpital ont le blues, parfois au point de ne plus savoir comment faire leur métier.
La semaine dernière, devant les 250 participants du congrès du Syndicat des managers publics de santé (SMPS), le président Jérémie Sécher s'est refusé à limer les difficultés des cadres et dirigeants hospitaliers, qui traversent selon lui une zone de turbulence « inédite ». Cause principale : la pratique récurrente d'un « hôpital bashing », qui contribue à la crise de gouvernance des établissements, eux-mêmes englués dans une « crise de système », une « crise territoriale » et une « crise de sens », aux dires d'Anne-Marie Brocas, présidente du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (HCAAM).
Petits clans et commissions Tartempion
Dans ce contexte, anticiper une crise des vocations réclame de repenser la gouvernance et le rôle même des établissements au niveau des bassins de vie. Aux diapasons des directeurs, Anne-Marie Brocas l'a répété : « la gouvernance doit être fondée sur le principe de responsabilité collective de santé publique et de services rendus à la population ».
Exit donc « les ego, les petits clans et le corporatisme » brocardés par Jérémie Sécher. Pour redonner de l'air à leur métier, les dirigeants doivent voir au-delà des cloisons de leur bureau, s'inscrire dans une stratégie de groupe et travailler avec les professionnels de la ville et du médico-social réunis en communautés territoriales (les CPTS). Dans son dernier rapport, le HCAAM pousse au développement des hôpitaux de proximité – rebaptisés « communautaires » – en recentrant leur activité sur la médecine polyvalente et gériatrique, en articulation avec l'ambulatoire.
Toutefois, la création de nouveaux partenariats extrahospitaliers pourrait décourager plus d'un directeur déjà lassé de la réunionite chronique. C'est la raison pour laquelle Jean-Marie Barbot veut mettre un terme à ce « fléau » et accroître l'efficacité à tous les étages. Le président de l'Association pour le développement des ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux (ADRHESS) et ancien directeur a tenté de comptabiliser les comités, instances et autres joyeusetés à l'hôpital. En CHU, il s'est arrêté à 40 ! Ce mode de gouvernance éparpillée est d'autant plus incompréhensible que praticiens et autres personnels ne sont pas logés à la même enseigne. Ainsi, les médecins ont leur propre gouvernance (la CME) et sont exclus des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), « alors qu'ils souffrent de TMS comme tout le monde », gronde-t-il.
« Assez de ces commissions Tartempion, le patient est le seul contre-pouvoir intelligent ! renchérit le Dr Philippe Denormandie, ancien dirigeant du groupe d'EHPAD privés Korian et directeur des relations santé de MNH Group*. En "off" les médecins propulsés chefs de service sont nombreux à se dire inaptes à la tâche. Il faut casser la logique de statut et de petit pouvoir pour privilégier celles des compétences. » Un appel à plus de souplesse dans la gouvernance hospitalière que les directeurs espèrent retrouver dans le plan hôpital, présenté demain par Emmanuel Macron.
* Actionnaire du « Quotidien »
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