La chronique de Richard Liscia

La bataille des accusations : une campagne « trumpisée »

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Publié le 30/03/2017
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Une campagne trumpisée

Une campagne trumpisée
Crédit photo : AFP

A vingt-quatre jours du premier tour de la présidentielle, à quoi sert l'offensive lancée par les Républicains contre le pouvoir ? La stratégie est la suivante : trois journalistes viennent de publier un livre selon lequel l'Elysée reçoit les informations, ou plutôt les renseignements, qui concernent la totalité du personnel politique et seraient ensuite utilisés pour discréditer hommes et femmes politiques susceptibles de faire de l'ombre au pouvoir socialiste. Du coup, plusieurs ténors républicains, dont Valérie Pécresse et Luc Chatel, engagent des poursuites contre l'exécutif.

Sur les turpitudes éventuelles de l'équipe dirigeante, on attend de voir et on n'apprendra rien, de toute façon, avant les élections. Il est clair que l'ouvrage, intitulé Bienvenue place Beauvau. Police : les secrets inavouables d'un quinquennat (Robert Laffont), par Didier Hassoux, Christophe Labbé et Olivia Recasens, apporte sur le fonctionnement de l'Etat-PS des révélations en contradiction absolue avec l'affichage de la « République exemplaire » si souvent exaltée par François Hollande. Mais en quoi la destruction ultime d'un président qui n'avait plus à sauver que sa réputation d'intégrité pourrait-elle changer le cours des élections ? M. Hollande n'est pas candidat. La gauche, que l'on sache, n'est pas l'adversaire principal de la droite qui, au contraire, est affaiblie par En Marche ! et par le Front national. Si M. Fillon veut redorer son blason, il n'y parviendra pas en démolissant le président sortant ; s'il cherche à brandir une excuse avant même que sa propre défaite ne soit prononcée, cela fait une belle jambe à ses électeurs ; et enfin M. Hollande serait-il le diable en personne que M. Fillon ne serait pas absous pour autant.

Une qualité usurpée

En effet, nous sommes si proches du premier tour qu'une entreprise de type judiciaire, c'est-à-dire vouée à la lenteur, ne changera rien au scrutin, même si M. Fillon et ses amis obtiennent plus tard gain de cause. La question centrale de cette consultation ne porte pas sur l'honnêteté du président actuel mais sur celle du prochain. On comprend la colère de l'ancien Premier ministre : sa voix est étouffée par les accusations dont il fait l'objet, par les quolibets, par les bruits de casserole, par les questions des journalistes, toutes à charge.

Oui, la gauche fait tout ce qui est en son pouvoir pour qu'il arrive mourant au premier tour. Malheureusement, tout dans ce qu'on lui reproche n'est pas inventé, et lorsqu'il s'est présenté au peuple en tant que candidat d'une probité irréprochable, il semble bien avoir ursurpé cette qualité. Il sera toujours temps, bien avant la fin de l'année, d'établir le bilan désastreux des socialistes au pouvoir et d'ajouter à leur impéritie les manquements à la loi que certains d'entre eux ont commis éventuellement. Mais ce genre de dette se paie à tempérament. Eux auront quitté le pouvoir avant de subir le jugement, celui des juges ou celui du peuple. M. Fillon, lui, risque bel et bien d'avoir perdu l'élection avant d'entendre un verdict désagréable.

Mais nous, les électeurs, n'avons plus aucune raison d'attendre de cette campagne si particulière et réduite à un combat de boxe qu'elle produise le chef dont la France a besoin. Tout concourt à « trumpiser » la campagne : d'abord cette pulsion haineuse qui défigure la droite et la gauche ; ensuite les mensonges éhontés, les plans sur la comète, les comportements arrogants des Mélenchon et Le Pen qui, à bien des égards, se ressemblent ; enfin cette sorte de vertige qui a saisi l'ensemble de la classe politique et  la rend vulnérable à la moindre provocation. Nous sommes entrés dans le règne du populisme, alors qu'il nous faut un plan rigoureux pour redresser la France et assurer en même temps un meilleur avenir pour l'Europe. 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9568