Formation médicale continue, le grand malaise

La gouvernance du DPC sous le feu des critiques

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Publié le 04/12/2020
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Déconnectée des besoins, bureaucratique : pour mettre fin aux « dysfonctionnements » de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), les syndicats de médecins libéraux réclament une remise à plat de la gouvernance.
Le pilotage du DPC, une affaire d'Etat ?

Le pilotage du DPC, une affaire d'Etat ?
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Depuis sa réforme à la faveur de la loi Touraine en 2016, le pilotage du dispositif de formation continue, aux mains de l'Agence nationale du DPC, fait l’objet de critiques sévères de la part des médecins libéraux.

La dernière secousse a été la démission du Dr Jean-François Thébaut, président du Haut conseil du DPC, instance qui exerce un rôle de conseil d’orientation scientifique et pédagogique au sein de l’agence. « Je n'ai pas réussi à faire porter mes idées sur la conception de ce que doit être le développement professionnel continu », a-t-il reconnu, amer.

Manque d'agilité pendant la crise sanitaire

Dans un courrier adressé aux membres du Haut conseil, le cardiologue libéral retraité déplore une gestion du DPC « dénuée de la vision prospective des enjeux de santé publique que pouvait porter un engagement vers la qualité des soins, la sécurité des patients et l’innovation des organisations territoriales ». Pis, la « rigidité des procédures » et « l’absence d’esprit d’initiative » de l'agence pendant la crise du Covid-19 l'ont convaincu de l'inutilité de sa mission.

En juillet déjà, six organismes historiques de formation médicale continue avaient refusé de répondre à un appel d’offres autour du thème du repérage des troubles cognitifs de la personne âgée, au motif que le cadre de l'appel d’offres de type marché public serait « rigide, appauvrissant l'offre », avec un risque de brader la formation.

Le péché originel d'une agence d'État

Jointe par « Le Quotidien », la directrice de l'ANDPC, Michèle Lenoir-Salfati, se défend de tout dirigisme. Si l'agence n'a pas financé de formations Covid, c'est d'abord en raison du « contexte d’incertitude thérapeutique absolue ». « Les premières actions étaient des actions d’information en relais des consignes ministérielles, explique-t-elle.  À ce moment-là, on s’est tourné vers le ministère qui a dit que cela ne pouvait pas être du DPC. Tout ne peut pas être du DPC, basé sur des recommandations validées de la science, permettant d’évaluer des pratiques ».

Autre grief : pourquoi l'agence n'adapte-t-elle pas mieux son offre aux besoins des territoires, notamment sur l'exercice coordonné et les innovations des professionnels ? « Nous ne créons pas l'offre, se justifie la DG. Le ministère nous a demandé de lancer l'appel à projet en appui des CPTS en 2019. Huit organismes retenus et huit actions ont été déjà déployées, notamment par l’Unaformec », affirme-t-elle.

Quant à la complexité supposée de certains appels d'offres publics, elle rappelle que cette procédure était préconisé par la Cour des comptes. « L’idée est d'avoir une offre complémentaire en appui de certaines orientations prioritaires ». C'est le cas des appels d'offres relatifs au repérage précoce des troubles neurodégénératifs, aux troubles du spectre de l’autisme, à la juste prescription des antibiotiques. « C’est exigeant. Mais la charge administrative n'est pas insurmontable », juge la DG.

Pour la patronne du DPC, le dispositif réformé fonctionne plutôt bien, loin du sombre tableau présenté par les syndicats. « Avec plus de 3 000 organismes et 16 000 actions, 2019 a été une année record d’inscriptions. Il faut démontrer que les professionnels ne disposent pas d'une offre assez large », glisse-t-elle, en déplorant côté médecins « une forme de résistance » face à cette agence d'État. « Il y a un certain nombre d’acteurs qui souhaiteraient un retour en arrière avec la formation professionnelle conventionnelle. Or, cette formation a été très critiquée car il y avait de vrais problèmes de conflits d’intérêts », réplique-t-elle.

Création d'une codirection

Ces explications suffiront-elles à mettre fin au malaise ? C'est peu probable.

Sur le fond, les syndicats fustigent l'architecture de cette agence composée d'instances multiples dont plusieurs ne sont que de « simples chambres d'enregistrement ». Craignant plus que tout la mainmise de l'État sur la formation continue des libéraux, ils plaident en faveur d'une remise à plat de la gouvernance. « Nous voulons un pilotage paritaire de la FMC en associant le ministère de la Santé, l'Assurance-maladie et les syndicats », avance le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Le SML souhaite lui aussi « la création d'un organisme qui fonctionne de façon paritaire ». Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, appelle l'État à instaurer un système « cogéré où la voix des professionnels est prise en compte ». « Pourquoi ne pas imaginer une gouvernance avec un directeur médical et un directeur administratif. Je l'avais proposé en 2016 mais elle a été abandonné et je le regrette ».

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin