Faut-il légiférer en France sur la maladie de Lyme ? Et faut-il mettre en place un grand plan de santé publique spécifiquement dédié à cette pathologie ? Tel est, en tout cas, le souhait de plusieurs députés qui relaient le discours de certaines associations, estimant que la maladie est sous-diagnostiquée en France. Début février, 70 d’entre eux ont ainsi présenté une proposition de loi qui, au final, a été rejetée par l’Assemblée nationale. Dans les semaines précédant la présentation de ce texte, la SPILF avait demandé à être reçue par ces députés.
« Nous souhaitions en effet comprendre les raisons de leur démarche, qui n’avait pas été initiée par le monde de l’infectiologie », explique le Pr Yves Hansmann, chef du service des maladies infectieuses du CHRU de Strasbourg.
Désaccord sur les constats
Portée par les députés UMP François Vannson (Vosges) et Marcel Bonnot (Doubs), la proposition de loi affirmait d’abord que, pour « des raisons encore mal comprises », la maladie de Lyme est en « plein développement », notamment en Europe, dans l’est et l’ouest des États-Unis. « Présente dans 65 pays, elle est devenue la plus fréquente de toutes les maladies vectorielles transmises à l’homme dans l’hémisphère nord. Selon certaines études, elle a en 2009 dépassé le VIH en incidence », soulignait le texte des députés.
« Vu la grande diversité des symptômes, la maladie de Lyme peut conduire à de nombreux diagnostics erronés, comme : sclérose en plaques, lupus, polyarthrite rhumatoïde, fibromyalgie, thyroïdien, fatigue chronique, dépression, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, autisme et bien d’autres, la différence étant souvent que les symptômes cèdent ici à l’antibiothérapie », soulignait aussi la proposition de loi. « De plus, il est arrivé que les tests classiques, faits à plusieurs reprises ou dans des laboratoires différents, d’une région à l’autre en France pour le même patient, ne détectent pas la contamination à la bactérie chez certains patients », ajoutaient les députés signataires. « Un des problèmes les plus douloureux de cette maladie, du fait de sa complexité et de son caractère multiforme, est le déni dont elle fait l’objet spécialement dans son stade chronique, laissant un nombre impressionnant de malades non soignés en France (5 000 cas officiellement recensés en 2012), contre près de 1 million de patients traités en Allemagne », ajoutaient-t-il. Au terme de ce constat, les députés réclamaient la promulgation, dans un délai de deux ans, d’un rapport gouvernemental sur la maladie de Lyme et ses modalités de prise en charge. Ils demandaient aussi la mise en place d’un plan national pour la maladie de Lyme (2015-2020) portant sur la recherche, la veille sanitaire, le dépistage, le diagnostic, la prévention et l’information du public et des professionnels.
Dialogue constructif
Même si la proposition de loi a au final été rejetée, cette initiative parlementaire doit être prise en compte, selon le Pr Hansmann. « Au départ, nous avons été surpris par cette volonté de vouloir faire une loi spécifiquement axée sur la maladie de Lyme. Nous avons eu un dialogue constructif avec ces députés qui ont fait preuve d’une grande écoute. Nous avons pu leur expliquer que nous étions en désaccord avec certains de leurs constats », ajoute-t-il.
Les membres de la SPILF ont assuré aux députés que la maladie de Lyme est une pathologie « connue et reconnue » en France. « Elle est enseignée dans toutes les facultés de médecine. Ensuite, il est possible que les médecins, qui exercent dans les zones peu touchées, par exemple le sud-est, soient moins sensibilisés que leurs confrères qui exercent dans le nord ou l’est. Mais il est difficile d’affirmer qu’il y a un véritable sous-diagnostic en France ou un déni à son sujet. La maladie de Lyme fait l’objet d’une étroite surveillance de la part de l’Institut de veille sanitaire (InVS) », souligne le Pr Hansmann.
Selon l’InVS, au niveau national, le nombre de cas moyen annuel de borréliose de Lyme estimé est de l’ordre de 27 000 cas avec une incidence moyenne annuelle estimée à 43 cas pour 100 000 habitants.
« Au niveau régional et départemental, il existe une grande disparité, avec des incidences estimées élevées (› 100 cas/100 000) en Alsace et dans le département de la Meuse, intermédiaires (50-100 000/100 000) en Champagne-Ardenne, Auvergne, Franche-Comté, Limousin, Rhône-Alpes et basses (‹ 50/100 000) dans le Centre, la Basse-Normandie et l’Aquitaine. Entre 2009 et 2010, les incidences nationales de la borréliose de Lyme apparaissent stables de même que les estimations départementales », indique l’INVS. Régulièrement, l’InVS lance aussi des études régionales pour évaluer l’évolution de l’incidence de la pathologie. « Nous menons ainsi actuellement une étude sur les maladies transmises par les tiques en lien avec l’ARS d’Alsace. Elle a été lancée au début 2014 et doit s’achever fin 2015 », précise le Pr Hansmann.
Dans un avis du 28 mars 2014, le Haut Conseil de la santé publique souligne pour sa part qu’en Europe, le nombre de cas annuel moyen est estimé entre 65 000 et 85 000, avec d’importantes variations régionales (côte de la Baltique en Suède, Slovénie, région du Brandebourg en Allemagne). « Un pic diagnostique d’érythèmes migrants est rapporté en juin et juillet dans la majorité des pays du nord et du centre de l’Europe et un second pic dans les pays du sud de l’Europe à la fin de l’été et au début de l’automne », souligne le HCSP.
Lors de leur rencontre avec les députés, les membres de la SPILF ont aussi expliqué que les traitements délivrés en France suivent les recommandations délivrées au niveau international. « Conformément aux recommandations des sociétés américaines et européennes, on privilégie des traitements courts qui peuvent comporter, dans certaines conditions, quand même trois à quatre semaines d’antibiotiques. D’autres personnes pensent pour leur part qu’il faut des mois et des mois de traitements », souligne le Pr Hansmann.
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