Éditorial

La santé, quoi qu'il en coûte ?

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Publié le 17/06/2022

Cela a été salué comme une promotion pour Gabriel Attal, récemment bombardé ministre des Comptes publics. Débarquer à Bercy à même pas 33 ans, et sans être passé par la case ENA, cela tient en effet de l'exploit en politique. Mais la mission est délicate. D’abord parce que ce fidèle du Président (qui fut un proche de Marisol Touraine) hérite d’une situation pas fameuse, avec plus de170 milliards d’euros de déficit pour le budget de l’État en 2021, 25 milliards pour l'assurance maladie et un déficit public qui pèse 6,5 % du PIB. Le gouvernement a beau insister sur l’amélioration des comptes publics, ceux de la Sécu notamment, les experts lui contestent cet optimisme.

Comment en est-on arrivé là ? La faute au Covid, évidemment. Passé la sidération du premier confinement, la Sécurité sociale a été beaucoup mise à contribution pour amortir le choc de la crise sanitaire et payer les tests et les soins. Par la suite, les mesures du Ségur de la Santé pour revaloriser les carrières et moderniser les établissements ont représenté 28 milliards d'euros. Pour ne rien arranger, le retour de l'inflation risque d'alourdir les coûts, la révision à la baisse des prévisions de croissance devrait amputer les recettes et la remontée des taux menace de renchérir demain le remboursement de la dette…

Autant dire que le retour à l'équilibre souvent présenté comme le fantasme des grands argentiers de l'État n'est pas pour demain. Et pas uniquement, parce que les moyens font défaut pour intervenir. Les temps et les mentalités ont changé. Les menaces sur l'accès aux soins figurent désormais au premier plan des préoccupations de la population et des élus. Et symétriquement la maîtrise des dépenses n'apparaît plus comme la priorité du moment. Qui s'y frotte s'y pique… À preuve, ce happening organisé la semaine passée rue Cambon par les militants du Collectif interhospitalier pour dénoncer l'obsession des économies entretenue par la Cour des comptes. Voilà le gardien de l'orthodoxie budgétaire accusé de casser du service public maintenant ! Au même moment, tous les représentants du monde hospitalier lançaient un appel pour sauver l'hôpital de la déroute, réclamant notamment de nouveaux investissements et des moyens supplémentaires pour rendre plus attractives les carrières. Une initiative qui faisait écho  à un rapport sénatorial qui, quelques semaines plus tôt, dénonçait l'insuffisance des mesures du Ségur de la Santé.

Dans ce contexte, les marges de manœuvre des pouvoirs publics paraissent donc plus limitées que jamais. Prudent, le gouvernement a reporté l'annonce de ses choix en matière budgétaire à l'après-législatives. Mais le traditionnel bras de fer entre ministres du Budget et de la Santé semble bel et bien appartenir au passé. La santé, celle des Français et celle des soignants, doit être au centre des priorités. Quoi qu'il en coûte ?

Exergue : La santé, celle des Français et celle des soignants, doit être au centre des priorités. Quoi qu'il en coûte ?

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin