Les acteurs de la région Grand Est font bloc contre la désertification médicale

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Publié le 16/09/2022
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Face à la pénurie de praticiens, comment dynamiser un territoire afin d'attirer et fidéliser les blouses blanches ? Le Grand Est a sonné la mobilisation générale – des professionnels de santé aux élus locaux en passant par les industriels – comme l'ont illustré les sixièmes états généraux de la santé en région, à Reims.
Les sixièmes états généraux de la santé en région se sont déroulés à Reims, au coeur de la région Grand Est

Les sixièmes états généraux de la santé en région se sont déroulés à Reims, au coeur de la région Grand Est
Crédit photo : Philippe Chagnon/Cocktail Santé

L'offre médicale se conjugue avec l'attractivité des territoires et l'emploi : ce qui peut sembler une évidence a été bien illustré lors des états généraux de la santé en région, le 8 septembre à Reims, qui ont réuni les acteurs de l'écosystème de santé du Grand Est. 

Dans cette région où de nombreux secteurs sont fragilisés par le manque de médecins, la coordination produit des résultats concrets pour consolider l'offre disponible. Illustration avec un parcours de soins ostéoporose ville/hôpital autour du médecin traitant associant pharmacien, kiné, infirmière à domicile et diététicienne, en partenariat avec le CHR Metz-Thionville et le CH de Briey. « Pour la bonne prise en charge de cette pathologie, il faut être plusieurs, souligne le Dr Didier Poivret, rhumatologue à Metz, chargé de coordination interpro sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) de Metz et Briey. Le pharmacien joue un rôle important dans l’adhésion et la prise du traitement », l'infirmière à domicile peut « sensibiliser les patients aux risques de chute » et « le diététicien sur l'alimentation ».

Le soutien logistique et financier aux structures pluripro est un autre levier. « J'avais envie d'innover dans ce territoire rural en créant une maison de santé pluridisciplinaire », raconte le Dr Yannick Pacquelet, généraliste à Signy-le-Petit (Ardennes) et médecin « heureux ». Étudiant en 4e année déjà, il imaginait exercer au sein d'une structure collective « pour sortir de la pratique isolée », objectif qu'il a concrétisé avec le soutien des partenaires locaux. « Au départ, on avait pas du tout le même langage avec l'ARS, confie le médecin. Mais petit à petit, on a réussi à dialoguer ». Résultat, en 2015, son projet voit le jour : la maison de santé, située à 40 minutes de Charleville-Mézières, a ouvert ses portes pour accueillir une vingtaine de professionnels de santé dont quatre généralistes formés à la faculté de médecine de Reims. Et ceci grâce au soutien de la tutelle régionale, de la communauté de communes Ardennes Thiérache et de la région.

Vacations et télémédecine, les atouts de la mobilité 

Autre exemple d'organisation territoriale pour lutter contre la pénurie : 150 praticiens du CHU de Reims vont travailler un ou deux jours sur un autre établissement en difficulté pour prêter main-forte à leurs confrères. « Cette dynamique a été portée par des chefs de service qui vont consulter à Verdun, à Saint-Dizier », se félicite Laetitia Micaelli-Flender, directrice générale du CHU de Reims. Et pour aller plus loin dans cet élan collectif, le Pr Jean Sibilia, doyen de la fac de médecine de Strasbourg, suggère de créer un « campus santé » permettant de « mobiliser des étudiants dans le cadre du service sanitaire ou du dispositif "aller vers" pour faire des actions de dépistage ».

Mais les solutions ne viennent pas uniquement des soignants. La start-up strasbourgeoise de télémédecine TokTokDoc ambitionne de pallier le manque de spécialistes pour les résidents en Ehpad isolés. Elle bénéficie du soutien du ministère pour expérimenter, dans le cadre de l'article 51 sur l'innovation en santé, un système de téléconsultation mobile (appli sur une tablette, stéthoscope connecté et carte à puce en cas d'absence de Wifi). « Les infirmiers formés vont organiser les consultations avec des généralistes et des spécialistes », explique le Dr Laurent Schmoll, chirurgien ORL et directeur médical de la start-up.

De façon plus surprenante, la SNCF Grand Est joue sa partition. Son directeur de programme « Place de la gare », Éric Lavy souligne que « 70 % des Français habitent à moins de 5 km d'une gare » ; et dans la région du Grand Est, l'entreprise dispose de 400 gares avec espaces disponibles, aménageables et services complémentaires. Cinq d'entre elles ont été aménagées dont deux pour accueillir des opérateurs de santé. « À Liverdun, nous avons installé un cabinet paramédical, détaille Éric Lavy. À Neufchâteau, avec le groupe Korian, l’objectif est de créer un cabinet de télémédecine ». La région Grand Est affiche sa volonté de devenir un pôle majeur en matière de télémédecine grâce à son réseau ferroviaire. 

Arnaud Robinet, maire de Reims : « On chasse en meute »

Dans cette bataille collective pour l'accès aux soins, les élus locaux sont aux premières loges, convaincus que l'aménagement du territoire est un levier d'action. « Le médecin qui cherche à s'installer a souvent une famille, un conjoint, des enfants », souligne la Dr Véronique Guillotin, présidente de la commission santé de la région Grand Est. À Reims, « on chasse en meute », assume le maire (Horizons) Arnaud Robinet. « On travaille avec le CHU et les représentants des médecins de ville dans l'accueil des internes pour leur montrer toutes les possibilités offertes », poursuit l'édile. L'attractivité du territoire passe aussi par « une politique transversale, familiale comme les crèches ou culturelle pour offrir un bon cadre de vie », rappelle-t-il. Pour le Dr Franck Devulder, président de la CSMF et lui-même gastro-entérologue à Reims, le travail de coopération entre tous les acteurs régionaux est « exemplaire »

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin